Chapitre 6 – L’esprit d’entreprise
Des années 1870 jusqu’au début du XXIe siècle, plus de 200 commerces juifs ont figuré dans l’annuaire de la ville de Saint John. Ils étaient la colonne vertébrale de la vie commerciale locale. Bon nombre de magasins juifs ont prospéré pendant des décennies et ont accueilli des générations de clients fidèles. Les changements de carrières professionnelles de la troisième génération de résidents juifs de Saint John ainsi que la modification de leurs habitudes de consommation après l’an 2000 ont provoqué la disparition de tous les magasins juifs, sauf deux.
Les premiers commerces juifs
Les familles Hart, Green et Isaacs ont établi les usines et magasins de cigares dans les années 1860 et 1870. Elles avaient appris l’art de la confection de cigares en Angleterre.
Le magasin de Nathan Green a survécu jusqu’à la fin des années 1970. Dans les années 1930, il a déménagé dans la rue King, où il était connu sous le nom de « Green’s at the Head of King » (littéralement, « Chez Green, au bout de la rue King »). C’était l’emplacement le plus prisé de la ville. Quatre générations de la famille Green ont assuré la gestion de ce commerce : son fondateur, Nathan Green, son fils Louis, son petit-fils, Harry C. Green, et ses arrière-petits-fils, Louis et Nathan. Lorsque Louis et Nathan ont pris la relève et ils y ont ajouté une boutique de bibelots et un restaurant.
Tailleurs et manufactures de vêtements
À l’aube du XXe siècle, les immigrants d’Europe orientale ont créé des fabriques de vêtements et des ateliers de tailleurs dans le centre-ville de Saint John et dans le quartier nord. Ils employaient beaucoup d’immigrants et de jeunes femmes qui, pour la plupart, avaient forgé leurs compétences en couture dans les shtetls.
Dans les années 1910 et 1920, de petits ateliers de tailleurs ont fait leur apparition, notamment celui de Myer et Ben Hoffman qui étaient passés maîtres dans l’art de la confection sur mesure. Nombreux étaient les hommes qui disaient que posséder un costume Hoffman était signe d’avoir « réussi ». Un autre tailleur, Abraham Rozvosky, était célèbre pour ses chapeaux et manteaux de fourrure.
Vêtements et chaussures
Les magasins juifs qui vendaient des vêtements et des chaussures étaient parmi les plus prisés de la ville. La plupart de ces magasins se trouvaient rue Main, dans le quartier nord, et dans les rues Dock, King et Union, au centre-ville. Ils étaient appréciés pour leur service personnalisé et leur sens de la mode.
Épiceries
Jusqu’au début des années 1960, les Juifs de Saint John formaient une communauté orthodoxe et avaient donc besoin d’accéder facilement à des viandes et à des provisions casher. Aux premiers temps de la communauté, le rabbin pratiquait l’abattage rituel des poulets et les femmes menaient à bien le processus pour rendre casher la viande destinée à la consommation.
Dans les années 1920-1950, Saint John comptait quatre bouchers casher. La plupart se trouvaient rue Main, au cœur du quartier juif. Pour de nombreuses femmes juives, ces boucheries étaient des lieux de rassemblement lorsqu’elles allaient faire des provisions, deux fois par semaine, pour nourrir leur famille.
Certains épiciers juifs importaient et vendaient de la nourriture traditionnelle et casher juive, y compris du pain de seigle, des bagels, de la viande fumée et du hareng. On y vendait aussi des articles spéciaux qui étaient nécessaires pour célébrer la Pâque juive, les repas casher des bar-mitsva et d’autres événements organisés à la synagogue. Leurs étalages comprenaient aussi des provisions générales.
Il y avait quelques restaurants juifs, mais aucun ne proposait de menu casher.
Distribution de films
Dans les années 1920, Saint John est devenu le cœur de la distribution de films dans les cinémas des provinces maritimes. Jusqu’aux années 1970, les principales compagnies cinématographiques disposaient de bureaux dans la ville. Des hommes de la région, dont la plupart étaient juifs, y occupaient les postes de directeurs de succursales.
Les cinémas locaux étaient exploités par Abram Garson, Mitchell Bernstein, Joshua Lieberman ainsi que Joseph et Mitchell Franklin. Pendant les années 1940 à 1960, ces cinémas ont été exploités par des chaînes qui avaient des salles dans d’autres villes canadiennes des Maritimes. Dans les années 1950, les Franklin ont ouvert un des premiers ciné-parcs.