Le son des cloches
Robert « Bob » Barclay, âgé de dix ans, est en train de terminer son souper avec sa famille lorsque l’alarme d’incendie retentit et que la cloche de la filature de laine Rosamond sonne. Quand les cloches des églises commencent à sonner elles aussi, il a peur. Le bruit ininterrompu égratigne ses oreilles. Et puis le bruit résonne beaucoup plus près; c’est celui de la sonnerie du téléphone.
L’un des médecins d’Almonte, le docteur Kelly, demandait l’aide de son père. Il y avait eu un terrible accident à la gare et on avait besoin de gens sur place. Le père de Bob, Thomas, était le responsable des premiers soins et le surintendant de la filature de laine Rosamond.
Thomas, qui avaient revêtu ses beaux habits pour des convives qu’il recevait pour le souper, met rapidement son pardessus et sort de la maison. Bob veut partir avec son père, mais ce dernier l’en empêche. Au lieu de cela, il passe la nuit à regarder sa mère, Roberta, et ses trois sœurs, qui étaient présentes au souper. Elles s’affairent toutes dans la cuisine à préparer des sandwiches, de la soupe, du café et du thé chauds, sans se préoccuper des rations de sucre, de thé, de café et de beurre qui avaient été instaurées cette année-là. Le transport des aliments et des boissons chaudes vers ceux qui en ont besoin est un exercice fort complexe en soi. La glace s’étant accumulée à l’extérieur, les déplacements en voiture sont extrêmement périlleux. Bob est assis au premier rang lorsque le camion de pompiers descend la rue jusqu’à leur maison, la glace crissant sous les chaînes des roues, pour ramasser les précieuses provisions. Il regarde sa mère et ses tantes remuer, trancher et brasser sans relâche, puis écoute le crissement de la glace sous les chaînes des roues, jusqu’à ce qu’on l’envoie au lit à minuit.
Le monde continue de tourner
À 6 heures du matin, Bob se réveille soudainement. Il écoute le bruit venant du rez-de-chaussée et voit son père, qui vient de rentrer à la maison. Il y a des éclaboussures de sang sur ses chaussures et sur son pardessus. Il se change rapidement et se rend à l’usine, où il commence à travailler à 7 h.
Bob ne peut plus supporter de rester dans l’ignorance. Il veut voir ce qui s’est passé. Alors, il amène son chien pour une promenade en direction de la gare. Quand il arrive, c’est la surprise. Il n’y a rien qui paraît, vraiment. Les gros débris qu’il s’attendait à voir sont disparus. Il apprend plus tard qu’une grue avait été transportée par train pour dégager la voie. Le train militaire est parti aussi. Comme il n’avait pas déraillé, il a pu poursuivre son trajet jusqu’à Halifax une fois la voie dégagée. Les seules traces de l’accident se trouvent dans la neige autour du quai et de la gare qui est durcie comme du ciment en raison des gens qui l’ont piétinée. Des vestiges de bagages sont aussi éparpillés tout autour : poupées, ours en peluche, chaussures et valises brisées avec des cadeaux de Noël encore à l’intérieur.
Un homme d’expérience
Thomas était un vétéran de la Grande Guerre. Il s’était enrôlé en novembre 1914 alors qu’il était jeune homme, quittant sa maison de Broxburn, en Écosse, pour survivre dans les tranchées jusqu’à l’Armistice, signé le 11 novembre 1918. Lorsqu’il s’est installé à Almonte en 1925, il ne s’attendait pas à revoir de telles horreurs. Il n’a pas dit à Bob ce qui s’était passé durant cette longue nuit à l’époque. Mais plus tard, il a raconté l’histoire d’un jeune soldat et d’une cigarette…
Visionnez cette vidéo avec une transcription : Entrevue avec Robert Barclay.