Discours devant la conférence de l’agriculture
Provenance : Journal Le Nord, 30 octobre 1884.
Lectrice : Audrey Lemieux, 16 ans, élève de l’école secondaire Frenette de Saint-Jérôme, 2016
Lecture par une adolescente d’un extrait d’un discours du curé Labelle.
Le Nord, 30 octobre 1884
Quatrième séance de congrès national
Discours de Monsieur le curé Labelle
Monsieur le président,
Messieurs,
Je ne pouvais refuser l’invitation qu’on m’a faite de parler de colonisation devant le congrès, sujet qui me tient si fort à cœur. […]
Il me faut faire preuve de bonne volonté jusqu’aux dernières limites, comptant, toutefois, sur votre indulgence que je sollicite d’avance, car je suis loin d’être un orateur, et je confesse que l’éloquence n’est pas mon fort! […]
L’émigration aux États-Unis m’a toujours saigné le cœur et si je pouvais saisir tous mes compatriotes canadiens et les planter dans le Nord qui est colonisable au-delà de 100 lieues dans l’intérieur, ce serait la joie de mon âme. Dans un pays qui est trop plein comme les vieux pays d’Europe, on comprend que là l’émigration devient nécessaire, mais un pays comme le nôtre où l’on peut placer des millions et des millions d’hommes, il est incroyable que tous ne cherchent pas à s’y établir! Qu’avons-nous à dire contre notre pays pour l’abandonner? […]
C’est une vérité de sens commun. Cherche-t-on à mettre de l’eau dans une chaudière dont le fond est percé? Or, permettez-moi cette expression. Notre pays est percé et, pour preuve, voyez mes compatriotes qui s’écoulent vers les États. Sans doute que nous ne pourrons pas empêcher un certain nombre de quitter le sol natal malgré les avantages qu’on y trouve, mais combien qui se fixeront chez nous parce que nous aurons rempli notre devoir envers la patrie? […]
Il y a trente ans que l’on aurait dû organiser une souscription nationale perpétuelle pour remplacer nos pruches et nos épinettes par de braves Canadiens. […]
C’est dans ce but que je me suis mis à la tête d’une loterie nationale pour accomplir cette œuvre qui n’est pas la mienne mais la vôtre, et si le succès couronne nos efforts comme j’ai lieu d’espérer, parce que j’ai encore confiance dans votre patriotisme et votre générosité pour la patrie, nous aurons contribué autant qu’il est en nous pour réparer une faute nationale.
Quand je vois par la statistique que la province de Québec dépense près de huit millions pour les liqueurs enivrantes, ne dois-je pas avoir l’espoir que l’on trouvera bien 25 000$ par année en faveur de la colonisation qui est notre seule planche de salut? Le moyen ne plaît pas à tout le monde, il est vrai, mais on ne pourra contester que le but est noble et louable et qu’au moins on doit me donner le bénéfice du doute.