Annonce du décès du curé Labelle, texte de J.J. Grignon
Auteur : Joseph-Jérôme Grignon, Journal Le Nord, 8 janvier 1891
Lectrice : Audrey Lemieux, 16 ans, élève de l’école secondaire Frenette de Saint-Jérôme, 2016.
Lecture par une adolescente d’un article de journal paru dans les jours suivants le décès du curé Labelle.
Le Nord, Saint-Jérôme, 8 janvier 1891
Monseigneur Labelle
La patrie est en deuil : un de ses plus vaillants fils, Monseigneur Labelle, a succombé, dimanche, aux traits foudroyants d’un mal dont une complexion presque surhumaine l’avait fait se moquer jusque-là.
Un vide affreux s’est fait dans Saint-Jérôme : Un abime se creuse à ses pieds. Sa gloire, son orgueil, celui qui était en quelque sorte son souffle de vie vient de s’éteindre.
Oui, brisé comme un brin d’herbe ce géant de corps, de cœur et de tête qui a chargé son épaule, durant vingt trois ans, des destinées du Nord et de Saint-Jérôme! Oui, tombé dans la poussière des morts, ce roi de nos montagnes que sa gloire pacifique de conquérant du sol faisait rechercher des gouvernants et rendait fameux jusque au-delà des mers!
Oui tombé, brisé le second père de Saint-Jérôme, à l’heure où Saint-Jérôme réclame l’appuie de son grand cœur! Ô mort! Voilà de tes coups!
Faut-il peindre le voile d’affliction qui s’est étendu sur notre ville? Où faire un pas sans que les yeux tombent sur un objet qui ravive au cœur la mémoire de ce mort cher entre tous?
Ces élégants édifices, ces rues décorées de maisons de commerce florissantes, ces riches manufactures, ces chemins de fer qui nous relient aux forêts du nord et aux capitaux du sud, toute cette gigantesque métamorphose, c’est sa main qui l’a faite. Quel seuil assez humble ne l’a pas vu, lui, le grand homme, le confident des gouvernements, apportant un sourire ineffaçable de gaieté, d’amour et de charité? Quel écho assez faible ne redit au cœur de …Jérômiens cette parole tantôt ardente de patriotisme, tantôt harmonieuse d’inspiration sacrée, souvent sublime, souvent enjouée, toujours éloquente et originale, qui développait tour à tour dans ses ouailles l’amour de la religion, du progrès et du pays?…
Dans quelle bouche n’est pas l’éloge d’un si grand bienfaiteur?
Il est entré dans l’immortalité! Puisse son souvenir, son œuvre impérissable et l’exemple de sa vie lui susciter de dignes successeurs dans la province, parmi les colons et à Saint-Jérôme!