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L’ambition de construire le plus grand télescope au monde

Le gouvernement canadien approuve en octobre 1913 la construction du télescope. M. William Edmund Harper, astronome à l’Observatoire fédéral d’Ottawa, entreprend alors l’examen de 4 sites possibles pour cet instrument : Medicine Hat, Banff, Penticton et Victoria. M. Plaskett choisit Victoria, en Colombie-Britannique, en raison de son climat tempéré et de la possibilité d’obtenir à cet endroit des images d’étoiles stables. Arthur Williams McCurdy présente M. Plaskett au premier ministre de la Colombie-Britannique, Sir William McBride, et c’est dans la foulée de cette rencontre que la province décide d’acheter le terrain nécessaire et de construire une route d’accès. M. Harper deviendra en 1936 le 2e directeur de l’Observatoire.

Le 13 mai 1914, les journaux de Victoria annoncent en grande pompe l’ouverture prochaine d’un « énorme télescope à Victoria ». La ville est très enthousiaste à l’idée d’accueillir le plus grand télescope du monde. Le site choisi est le mont «Little Saanich», situé à 7 milles au nord de la ville. Les ouvriers ont déblayé et nivelé le sommet de la colline à la main et à l’aide de machines à vapeur.

Première page du journal : Instrumental in Getting Huge Telescope for Victoria — The Site (Le site — essentiel pour obtenir un énorme télescope pour Victoria)

Bien que le projet de télescope ait été approuvé en 1913, il n’est annoncé qu’en mai 1914. Il s’agit en partie de veiller à ce que les propriétaires du site proposé n’en gonflent pas le prix.

 

L’ébauche de verre du miroir est coulée en Belgique à l’usine de Saint-Gobain, située près de la frontière avec la France. Le maître opticien John Brashear, de Pittsburgh, est impatient de commencer son travail et demande qu’on la lui envoie le plus rapidement possible. L’ébauche de miroir entreprend sa traversée pour l’Amérique du Nord quelques jours avant le début de la Première Guerre mondiale. Brashear met 3 ans et demi à façonner et à polir le miroir, qui devient le plus beau miroir jamais fabriqué.

Photographie en noir et blanc d’un homme s’appuyant sur un grand morceau de verre épais et circulaire.

Le maître opticien John A. Brashear, à côté d’une ébauche de miroir de 1,8 m. Il suscite l’admiration et l’affection de ses compatriotes de l’ouest de la Pennsylvanie et des astronomes internationaux qui l’appellent familièrement « Oncle John ».

La société Warner & Swasey de Cleveland remporte le contrat de construction du télescope et du dôme. M. Plaskett conçoit le télescope pour qu’il offre une vue complète de la voûte étoilée. Le télescope doit également pouvoir pivoter rapidement d’une étoile à l’autre. En 1915, l’entreprise réalise une maquette mobile du télescope à l’échelle 1:10. Cette maquette est primée cette année-là lors de l’exposition Panama-Pacifique à San Francisco. Elle est aujourd’hui exposée au centre d’accueil des visiteurs, baptisé « Centre de l’Univers », à proximité du site de l’Observatoire.

Les ouvriers locaux achèvent la construction du dôme en 1916. Les pièces du télescope arrivent de Cleveland et sont transportées sur le site sur des chariots tirés par des chevaux. Les ouvriers terminent l’installation du télescope en octobre 1916. M. Plaskett invite les dignitaires locaux à admirer le magnifique télescope et le dôme. La seule pièce qui manque est le miroir.

Photographie en noir et blanc d’un grand groupe de personnes devant un très grand télescope.

Les astronomes amateurs locaux et d’autres curieux se réunissent le 21 octobre 1916 pour voir la structure mécanique achevée du télescope. Arthur Williams McCurdy, qui a présenté M. Plaskett au premier ministre de la Colombie-Britannique, fait partie du groupe. La rencontre qu’il avait organisée avait convaincu la Colombie-Britannique de participer au projet.

Le miroir est finalement achevé en avril 1918 et est embarqué dans un train express à destination de Victoria. Il arrive 6 jours plus tard, le 26 avril. M. Plaskett l’installe sans plus tarder et, un peu plus d’une semaine plus tard, il enregistre les toutes premières données produites par le plus grand télescope du monde.

Photographie en noir et blanc d’un chariot tiré par des chevaux transportant un très gros équipement sur une route poussiéreuse à flanc de colline.

Une grosse section du télescope est tirée par un attelage de chevaux sur le chemin de terre menant à la colline de l’Observatoire. Les véhicules motorisés de l’époque ne pouvaient pas supporter ces lourdes charges. La route présentait une pente à peu près régulière qui convenait aux attelages de chevaux.

 

L’inauguration officielle du télescope a lieu le 11 juin 1918. M. Plaskett annonce alors que le télescope sera ouvert au public le samedi soir suivant, et cette tradition s’est perpétuée jusqu’à nos jours.

Article de journal :  LARGEST OPERATING TELESCOPE IN THE WORLD NOW IN COMMISSION ON SITE NEAR CAPITAL CITY  (Le plus grand télescope du monde est désormais en service ici, près de la capitale)

Le télescope est le plus grand en service à l’époque de son inauguration en 1918. L’ouverture officielle est fixée juste après l’éclipse solaire totale de juin 1918. La trajectoire de l’éclipse passait par l’État de Washington, et les astronomes venus pour l’observer pouvaient donc facilement se rendre à Victoria.

À peu près à la même époque, George Ellery Hale et ses collègues ont commencé à construire en Californie un autre télescope gigantesque, le télescope Hooker de 2,5 m sur le mont Wilson. Ce télescope sera l’instrument qui permettra à Edwin Hubble de découvrir l’existence d’autres galaxies très loin de la nôtre, et de montrer que l’Univers est en expansion. Le télescope Hooker a livré ses premières observations en novembre 1917, mais il n’est devenu pleinement opérationnel qu’en octobre 1918.

Bien que le nouveau télescope de Victoria n’ait trôné en première place des plus grands instruments fonctionnels du monde que pendant quelques mois, sa place dans l’histoire comme l’un des instruments scientifiques les plus importants reste inégalée.