Le long du lac Gander
En 1953, John Hayse père, de Parker’s Cove, se préparait à retourner à Glenwood, à T.‑N.‑L. pour travailler en forêt comme bûcheron. Son fils, John Hayse, qui n’avait que 14 ans à ce moment‑là, estimait qu’il était maintenant en âge de commencer à travailler. Ses parents, John et Margaret, pensaient que ce n’était pas une bonne idée, car il était encore bien jeune.
À l’époque, il n’y avait que deux autos à Parker’s Cove. John père est parti, mais en laissant derrière lui son fils John, qui devait retourner à l’école. Ce dernier, bien décidé à aller travailler en forêt avec son papa, est allé demander à Tom Dunphy, marchand à Parker’s Cove, de l’emmener en auto à Goobies pour rattraper son père et prendre avec lui le train pour le camp de bûcherons. Quand son père l’a vu arriver à Goobies, tout ce qui est sorti de sa bouche a été la phrase suivante : « Si tu veux voir comment c’est, tu n’as qu’à venir ».
Une transcription des souvenirs de Jack
À cet âge‑là, vous ne savez pas vraiment à quoi vous attendre, et John fils a eu le mal du pays les deux premières semaines. Il se demandait : « Qu’est‑ce que je suis venu faire là? », mais il a persévéré et, deux semaines plus tard, il s’est endurci, le mal du pays a disparu et il s’est mis à travailler aux côtés de son père.
Ils logeaient au camp de bûcherons, comme les 131 autres hommes. Pour s’y rendre, il fallait faire 30 milles le long du lac, puis
20 milles jusqu’au camp. Le déjeuner était chaud, mais le dîner consistait en un panier-repas. La nourriture et le logement coûtaient 0,50 $ par jour.
La journée type des deux John commençait au lever du jour et finissait à la tombée de la nuit. C’était long et il fallait marcher de plus en plus loin à mesure que l’on déboisait. Il n’était pas facile de travailler avec une scie à bûches et une hache toute la journée. L’hiver, on voyait arriver des traîneaux tirés par des chevaux, qui emportaient les piles de bois.
Une transcription des souvenirs de Jack, épisode deux
John et son père travaillaient côte à côte et coupaient au moins deux cordes de bois par jour. En ce temps‑là, la corde était payée entre 4 et 5 $, ce qui représentait alors de bons gages. La paie était versée tous les 18 jours. Mais vous n’aviez votre chèque que si le bois coupé était écorcé et numéroté. Pour entendre certains de ce que Jack avait à dire sur le travail dans les camps de bûcherons.
Une transcription des souvenirs de Jack, épisode trois
Cette année‑là, le père et le fils ont travaillé avec d’autres hommes de Parker’s Cove dans le même camp, mais John fils indique que la plupart d’entre eux sont morts maintenant.
Il n’a aucun souvenir d’accidents de bûcheronnage, mais il se rappelle bien avoir vu de nombreux ours et orignaux. « Vous ne pouviez rien laisser dehors, à part du sucre dans une bouteille de verre. À cela ils ne touchaient pas », raconte-t-il.
Le soir, il aimait écouter les blagues et les rires des hommes plus âgés. Comme il n’avait que 14 ans, il a entendu parler de choses qu’il n’aurait jamais crues possibles. Il s’endormait toutes les nuits bercé par des rires et c’est ce qui lui a permis de tenir.
John Hayse fils est resté trois mois dans ce camp et par la suite, il a travaillé dix ans comme bûcheron en allant d’un endroit à l’autre.
Après avoir cessé ce métier, il a continué à gagner sa vie en occupant divers emplois. Il a travaillé sur les voies ferrées du CP, dans la construction et finalement, comme charpentier dans une société de logement à Terre‑Neuve‑et‑Labrador, jusqu’à sa retraite. « Ma vie n’a pas toujours été facile, explique-t-il, mais je pense que tout est allé pour le mieux. »
Remerciements : John Hayse fils, de Parker’s Cove