Nancy raconte son histoire
Durée : 9:00
Narrateurs : Deby Nash et Tim Andrew
Son et montage : Mitra Bakhtiar et Alan Edwards
Script : Cynthia Wallace et Jennifer Dow
Gracieuseté du Musée de la région de Fredericton, 2021.
Nancy raconte son procès pour esclavage qui a eu lieu à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, en 1800.
Transcription (l’histoire de Nancy est narrée par Deby Nash)
[Texte à l’écran]
Nous tenons à reconnaître que le territoire sur lequel cette exposition a été créée est le territoire traditionnel non cédé des peuples Wolastoqiyik (Malécites) et Mi’kmaq. Ce territoire est visé par les «
Traités de paix et d’amitié
» que les peuples Wolastoqiyik (Malécites) et Mi’kmaq ont signés pour la première fois avec la couronne britannique en 1725.
Début de la musique des tambours africains
Mot-symbole du Musée de la région de Fredericton
[Titre à l’écran] Le procès d’esclavage de Nancy, février 1800
[Fondu enchaîné sur un gros plan par l’artiste du visage de Nancy]
[Nancy parle] Combien vaut la vie d’un être humain? Bonne question.
Quelle est ma valeur?
Ne suis-je pas une femme et une sœur?
[Scène de plantation d’esclaves; la musique continue]
Mon histoire commence en 1762, lorsque je suis née esclave de Caleb Jones. C’est là où mon asservissement a commencé : sur une plantation de tabac près des rives de la baie de Chesapeake, dans le comté de Somerset, au Maryland.
[Carte de 1788 de la rivière Saint-Jean]
J’ai été amenée dans cet endroit impie en 1785, en tant que l’un des sept esclaves que Maître Jones a laissés ici pour travailler sur ses 900 acres de terres sauvages. Son rêve était d’établir une vaste plantation comme celle qu’il avait laissée au Maryland.
Les peuples qui ont vécu ici depuis des temps immémoriaux appellent cet endroit « Nashwaaksis ». [Le défilement se termine là où Nancy vivait à Nashwaaksis]
[Document défilant montrant une liste des personnes installées entre les rivières Nashwaak et Madame Keswick, le 29 juillet 1785, dont Caleb Jones]
Un loyaliste. Ha! Il n’est pas un loyaliste. On dit qu’il s’est éclipsé la nuit, la queue entre les jambes. Il avait trop de dettes… et les voisins ne l’aimaient pas. Et il avait trop d’ennemis. Sans sa femme Elizabeth, il serait pauvre comme Job à l’heure actuelle…
[Défilement d’une illustration par l’artiste montrant Nancy et Lidge s’enfuyant la nuit]
Bon, revenons à mon histoire. Peu de temps après mon arrivée à cet endroit, moi et quelques autres, nous nous sommes enfuis. J’ai emmené mon fils Lidge avec moi, et nous avons COURU aussi vite que possible. Vers où courions-nous? Je n’en suis pas sûre. Nous avons juste couru.
Il a fallu six jours à Jones pour comprendre que nous étions partis; [Rotation du journal The Royal Gazette and New Brunswick Advertiser]
quatre jours plus tard, nos noms paraissaient dans The Royal Gazette and New Brunswick Advertiser, à la page 3, [Gros plan de l’en-tête du journal]
entre l’information nautique et les annonces immobilières : [Défilement d’un gros plan de l’avis Ran Away]
[Voix masculine anonyme avec texte à l’écran] EN FUITE – du souscripteur vivant à Nashwakshis [sic], dans le comté de York, entre les 15e et 21e jours de ce mois de juillet, les esclaves asservis suivants. ISAAC, âgé d’environ 30 ans, né à Long Island près de New York, portait un manteau court bleu, un chapeau rond et un pantalon blanc. BEN, âgé d’environ 35 ans, portait une veste en jersey du Devonshire doublée d’un tissu avec motif écossais, un pantalon en velours côtelé et un chapeau rond. FLORA, une jeune femme d’environ 27 ans, la peau marquée par la variole, portait une veste de coton blanche et un jupon. Aussi NANCY, âgée d’environ 24 ans, qui a emmené avec elle son enfant d’environ quatre ans nommé LIDGE. Les quatre dernières personnes mentionnées sont nées au Maryland et ont été emmenées récemment dans ce pays.
Par les présentes, il est interdit à quiconque d’offrir refuge à l’une ou l’autre de ces personnes, et il est interdit à tout type de navire de prendre à son bord l’une ou l’autre de ces personnes, car il devra en assumer les conséquences. Une récompense de deux guinées sera versée pour chacun des hommes et de six dollars pour chaque femme, par M. Thomas Jennings, s’ils sont capturés et lui sont livrés à la ville de Saint John, à York Point…
CALEB JONES, le 24 juin 1786.
[Gros plan par l’artiste du visage de Nancy]
[Nancy] C’était la fin. Moi et Lidge, nous avons été ramenés à Jones, et nous sommes restés ici depuis. Pendant treize autres longues années difficiles, nous avons travaillé pour cet homme et sa femme…
Puis, j’ai eu une petite lueur d’espoir.
Vous voyez, Caleb Jones a beaucoup d’ennemis ici à Nashwaaksis. Il semble que deux avocats abolitionnistes, de l’autre côté de la rivière, à Fredericton, ont pris ma cause en charge.
[Défilement des images de Ward Chipman et Samuel Denny Street]
Ils s’appellent Ward Chipman et Samuel Denny Street. On me dit que ce sont de bons avocats. Ward Chipman, il est diplômé de Harvard : «
Un bénévole pour le droit de la nature humaine
» dit-il; Samuel Denny Street s’est proclamé abolitionniste
: «
Un véritable coq de combat… un qui ne tolère aucun affront de la part d’aucun homme
». Ils ont accepté mon affaire pro bono! (Puisque je n’ai pas un sou à mon nom.)
[Fondu enchaîné d’une illustration de Nancy en train d’être jugée dans une salle d’audience]
Ce qui s’est produit, donc, c’est que le 17 juillet 1799, j’ai été convoquée devant le tribunal.
On a ordonné à Caleb Jones de m’emmener ici; et il n’était pas très content de ça lui non plus, croyez-moi!
[Fondu enchaîné du manuscrit de procès de Ward Chipman]
Le vieux vantard a exposé sa cause avec assurance : «
Sa propriété
» –
c’est-à-dire moi (comme si j’étais un meuble, du bétail ou quoi que ce soit d’autre) –
avait commencé sa vie comme une «
esclave à vie
» et je le resterais.
Au cours de mon procès, Ward Chipman a habilement souligné que le Nouveau-Brunswick n’a jamais réellement légalisé l’esclavage dans cette colonie, et que les lois de l’Angleterre ne reconnaissent pas les lois rebelles du Maryland. «
Propriété
» ou non… La guerre avec les colonies américaines a mis fin à tout cela, ne croyez-vous pas?
[Fondu enchaîné de la peinture de Benjamin West sur le Rêve des Loyalistes]
Le problème ici, c’est que trop de loyalistes ont amené avec eux leurs habitudes des colonies du Sud. Ils parlent du «
gouvernement le plus honnête sur la Terre
», mais laissez-moi vous dire qu’il y a des limites à leur honnêteté.
[Pétition au gouverneur Carleton concernant la conduite de Caleb Jones]
Prenons l’exemple de Jones. Il se dit loyaliste, écuyer du roi, magistrat de comté, mais il parle d’une manière tellement déloyale aux autres magistrats. Il n’est pas étonnant qu’il se soit fait autant d’ennemis!
[Texte surligné
: «
Les magistrats soussignés prient donc très humblement votre Excellence de leur épargner la mortification de rencontrer Caleb Jones, Esq.
»]
Alors maintenant, j’attends.
[Fondu enchaîné sur un gros plan de Nancy, les yeux bandés, tenant la balance de la justice]
Mon destin est entre les mains du tribunal. «
Prête-moi un peu ton oreille… libère cette noble mère
».
[Écran noir]
[Voix masculine anonyme avec texte à l’écran] En fin de compte, aucun jugement n’a été rendu dans l’affaire de Nancy en raison de la division du tribunal. Le juge en chef Ludlow et le juge Upham ont statué en faveur de Caleb Jones, tandis que le juge Isaac Allen et le juge Saunders ont statué contre lui. En l’absence d’une décision, Nancy a été rendue à son propriétaire, et sa cause a été reléguée à un modeste compte rendu enfoui dans le même journal provincial qui avait signalé sa fuite quatorze ans auparavant. Elle a ainsi disparu des archives écrites.
Bien que Nancy n’ait pas obtenu sa liberté, son procès a servi de catalyseur dans la lutte contre l’esclavage dans la province. Son procès a également mené à la libération d’autres esclaves, puisque l’un des juges qui ont statué en faveur de Nancy était Isaac Allen. Comme Caleb Jones, le juge Allen dépendait lui aussi d’esclaves pour exploiter son domaine de 2 000 acres en périphérie de Fredericton, à Springhill. À la suite du procès de Nancy, le juge Allen a agi selon sa conscience et a accordé la liberté à ses propres esclaves, dont l’un était George Leek.
Bien que l’esclavage soit devenu illégal au Nouveau-Brunswick le 1er août 1834, il existe encore des vestiges de l’injustice raciale au Canada.
Nancy n’a pas obtenu sa liberté ce jour-là, mais elle a mérité une place dans l’histoire du Canada pour le courage et la confiance dont elle a fait preuve pour s’exprimer, défendre ses droits et provoquer un changement.
La musique africaine reprend