Willie O’Ree parle de la Ligue nationale de hockey
Durée : 5:41
Personne interviewée : Willie O’Ree
Date : 1997
Lieu : Fredericton (N.-B.)
Gracieuseté de la New Brunswick Filmmakers’ Co-operative, 2021.
Transcription
[Texte à l’écran] Le 28 juin 1991, la New Brunswick Filmmakers’ Co-operative a payé un vol d’avion à Willie O’Ree et à sa famille à Fredericton pour commencer le tournage d’un film sur sa vie. La vidéo suivante est tirée de la conférence de presse qui a donné le coup d’envoi à la production du documentaire.
Le film a été réalisé par Errol Williams par l’intermédiaire de la New Brunswick Filmmakers’ Co-operative et a été diffusé pour la première fois à l’automne 1997.
Conférence de presse à l’hôtel de ville de Fredericton le 28 juin 1991. Assis à la table d’une salle de conférence avec Willie O’Ree, le maire de Fredericton, Brad Woodside, à sa gauche, et Errol Williams, à sa droite.
[Le maire Brad Woodside] Bonjour, Mesdames et Messieurs. Tout d’abord, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à l’hôtel de ville. Les gens de River Jubilee sont présents… J’aimerais aussi souhaiter la bienvenue à Murray Wadden, directeur d’Air Canada, qui participe au projet, et dont nous apprécions grandement l’aide.
J’aimerais dire, en tant que maire, à quel point je suis ravi que Willie soit revenu dans sa ville natale pour nos célébrations de la fête du Canada et de River Jubilee, et à quel point je suis heureux que nous reconnaissions… officiellement… sa contribution au sport, en tant… qu’un des nôtres, et que nous ayons une proclamation à l’occasion d’une journée très spéciale pour lui, en le faisant participer au défilé, et enfin à quel point je suis heureux qu’Errol réalise ce film sur la vie et l’époque de Willie O’Ree. Je crois qu’il va sans dire, compte tenu de vos visites précédentes à la maison, Willie, que vous êtes… que vous êtes un héros ici, et que nous sommes très fiers de ce que vous avez accompli. J’ai également lu dans la documentation que vous êtes non seulement un athlète formidable, mais aussi un parfait gentleman. Et laissez-moi vous dire que nous sommes très contents que vous soyez de retour au bercail une fois de plus.
[Willie O’Ree (WO’R)] Merci beaucoup. [Gros plan de Willie O’Ree alors qu’il parle]
[WO’R] Je savais que j’étais assez bon pour jouer dans la Ligue nationale de hockey, je le savais. Peu importe ce que j’avais, peu importe les étapes que je devais franchir pour y arriver, à l’époque, vous savez, j’ai toujours gardé à l’esprit que je le savais, car on disait que la différence entre un joueur des ligues mineures et un joueur des ligues majeures se trouvait à partir du cou en montant, ce qui est généralement, vous savez, l’anticipation, et vous savez…
Quand je suis arrivé chez les pros… j’ai pensé à jouer dans la Ligue nationale de hockey, et je savais que ce serait beaucoup plus difficile pour moi, étant noir, que pour les autres; mais je me suis dit que la seule chose que je pouvais faire, c’était de jouer avec autant… avec autant d’ardeur que je le pouvais, et de jouer au meilleur de mes capacités. Et advienne que pourra… Et… je suppose que le timing était bon, vous savez, lorsque j’ai été promu en 1958, parce qu’ils auraient probablement pu… il y avait deux ou trois autres ailiers gauches qu’ils auraient peut-être pu choisir et faire jouer contre les Canadiens ce soir-là, en fait deux soirs en 1958, mais ils ont dit, vous savez, j’ai été appelé, et puis je suis allé jouer… et quand j’ai sauté sur la glace à Montréal, encore une fois… vous savez, j’étais en terrain connu. J’étais juste un joueur parmi tant d’autres. Donc…
[Errol Williams (EW)] En plus du fait qu’il y avait aussi d’autres joueurs noirs dans le portrait…
[La caméra fait un panoramique d’Errol Williams]
[WO’R] Oui, vous savez, il y avait Manny McIntyre, qui réside à Montréal
[La caméra révèle une vue élargie montrant Errol Williams et Willie O’Ree assis à la table], les frères Carnegie, Herbie et Ossie Carnegie, qui étaient à Toronto.
[EW] [inaudible]
Ah! Mais vous savez, je n’ai jamais vraiment… mis ma couleur de l’avant, vous savez, je n’ai jamais exploité le fait d’être noir. Je me présentais juste là-bas, et je disais que j’allais jouer. C’est tout. S’ils voulaient me scruter pour ce que j’étais, ça ne me dérangeait pas. S’ils voulaient me scruter parce que j’étais noir, vous savez, et que je ne devais pas être là, eh bien, c’était leur problème. Donc, quand je me présentais, je sautais juste sur la glace et je jouais. Vous savez, c’est tout ce que je pouvais faire.
[Journaliste (femme). La caméra révèle une vue élargie montrant des journalistes non identifiés également assis à la table.] Pensez-vous que votre couleur a déjà eu un effet sur, disons, un de vos échanges, ou quelque chose du genre, ou sur la façon dont vous étiez traité dans n’importe quelle équipe ou par la direction?
[WO’R] La plupart du temps, encore une fois [la caméra recule pour faire un gros plan de Willie O’Ree], lorsque j’ai été échangé de Montréal à Los Angeles, ils ont dit que j’avais été échangé contre deux autres joueurs, que j’avais affrontés, et dont un des deux avait déjà été dans mon équipe, ainsi qu’une somme d’argent non dévoilée. Je veux dire, ça aurait pu être, ça aurait pu être juste inventé, vous savez.
La façon dont j’ai été échangé ne m’a pas plu. Je suis arrivé à l’entraînement un matin, et le directeur général voulait me voir, il avait une enveloppe dans la main. Il me l’a remise et il m’a dit
: «
Tu vas à Los Angeles, ton avion décolle à 12 h 50.
» Et c’était tout!
Alors, j’ai pris l’enveloppe, je suis monté dans l’avion et je suis arrivé là-bas. Maintenant… peut-être… que ma couleur avait vraiment quelque chose à voir avec ça. Je ne sais vraiment pas. Je ne me suis pas vraiment penché sur la question, et je n’ai pas dit que je n’irais pas, ni demandé pourquoi j’avais été échangé, parce que, encore une fois, j’avais une bonne saison. J’étais… j’étais le meilleur marqueur.
[Journaliste] Pourquoi n’avez-vous pas joué avec les Canadiens en revanche? Pourquoi? Je vois ici qu’on parle de…
[WO’R] Pourquoi ne n’ai pas joué avec les Canadiens de Montréal? Eh bien, parce que je pense que, à cette époque, il fallait être francophone pour jouer avec les Canadiens de Montréal. Si vous n’étiez pas francophone, vous ne jouiez pas avec les Canadiens de Montréal. Peu importe votre talent, si vous n’étiez pas francophone, vous ne pouviez pas jouer avec eux.
[ER] Avez-vous pu jouer avec Jean Belliveau? Avez-vous eu l’occasion de le faire?
[WO’R] J’ai joué contre lui. Il était avec les Canadiens de Montréal, et j’étais avec les Bruins. J’ai joué contre lui. Mais je n’ai jamais… je n’ai jamais joué avec lui.
[ER] Avez-vous joué avec lui avec les As de Québec?
[WO’R] Il était avec les As de Québec, et c’était à l’époque l’équipe senior, puis il est allé avec les Canadiens de Montréal. Ensuite, je suis arrivé deux ans plus tard quand ils ont formé la Ligue de hockey professionnel du Québec.
[Journaliste] Maintenant, Willie et Errol, si nous pouvions vous interrompre pour une petite minute, nous avons un caméraman qui doit partir, donc si nous pouvions vous avoir ici tous les deux pendant une minute environ, simplement pour qu’on vous pose juste une…