En souvenir de Solomon Kendall
Durée : 5:14
Personne interrogée : Jennifer Dow
Intervieweuse : Melynda Jarratt
Lieu : Upper Queensbury, (N.-B.)
Gracieuseté de Melynda Jarratt, Musée de la région de Fredericton, 2019.
Le Loyaliste noir Solomon Kendall s’est installé au Nouveau-Brunswick en 1783. Sa descendante directe, Jennifer Dow, raconte son histoire.
Transcription
Debout devant une très vieille porte de grange, avec un fer à cheval rouillé derrière son épaule gauche.
[Jennifer Dow (JD)] Bonjour, je m’appelle Jennifer Dow, et nous sommes actuellement à Lower Queensbury, au Nouveau-Brunswick, à la ferme Kendall, qui est la propriété originale du Loyaliste noir Solomon Kendall, mon ancêtre. Je peux affirmer avec certitude que cette propriété remonte à 1825, et qu’elle s’est transmise dans la famille, mais nous avons des raisons de croire que le premier Solomon Kendall a obtenu le terrain à une date antérieure.
[Melynda Jarratt (MJ)] Pouvez-vous me raconter brièvement qui était Solomon Kendall, et pourquoi il est si intéressant en ce qui a trait à l’histoire des Loyalistes noirs?
[JD] Solomon Kendall est intéressant parce qu’il a servi avec les guides et pionniers (Guides and Pioneers), qui constituaient un régiment britannique. Or, il a fort probablement été esclave avant de travailler pour ce régiment. J’ai trouvé des preuves de son existence dans de nombreux rôles d’appel de l’époque; il a même a été fait prisonnier en Caroline du Sud à un moment donné. Il serait arrivé dans la région en 1783 avec les Guides and Pioneers. Il ne figure pas du tout dans le Livre des nègres, mais il existe des documents indiquant qu’il était avec eux en 1785. J’ai trouvé un document répertoriant tous les Guides and Pioneers, les personnes avec lesquelles ils sont venus, leur famille et l’endroit où ils se sont installés. Solomon est répertorié comme étant arrivé à l’époque avec une femme et un enfant de moins de dix ans. D’après certains actes notariés que j’ai trouvés, j’ai découvert que le nom de sa femme était Priscilla, ce que nous constatons effectivement dans les générations futures, en raison des enfants qui ont porté le prénom Priscilla en son honneur, je suppose. Par ailleurs, Solomon apparaît aussi dans quelques autres documents judiciaires que j’ai trouvés, où dans certains il était le défendeur, et où dans d’autresil est identifié comme plaignant, et ces documents sont datés du début des années 1800.
[MJ] Qu’a fait Solomon Kendall une fois qu’il est arrivé au Nouveau-Brunswick et qu’il s’est en quelque sorte établi ici?
[JD] Il était agriculteur. Il s’est donc installé sur cette terre et l’a cultivée, mais en plus, il a fait de cet endroit une sorte de refuge pour tous les Noirs de la région qui n’avaient nulle part où aller, ou qui ne pouvaient pas élever leurs enfants, parce qu’il arrivait souvent que les gens soient obligés de se déplacer d’une ferme à l’autre, ou d’aller dans différents endroits pour trouver du travail, et qu’ils ne puissent pas élever leurs enfants. C’est ainsi que cet endroit est devenu le lieu où de nombreux enfants issus de nombreuses familles différentes ont abouti et ont été élevés.
[MJ] Maintenant, pouvez-vous me parler un peu des descendants de Solomon Kendall, de ce qu’il leur est arrivé ainsi que de certains de leurs noms?
[JD] Eh bien, parmi les descendants de Solomon, il y avait trois générations de Solomon Kendall. Ma lignée est issue de la deuxième génération de Solomon Kendall. Son fils William Kendall est enterré sur cette propriété, dans l’emplacement funéraire. Il a épousé une femme du nom de Mary Jane Heughan, et ils étaient également bien connus pour accueillir les enfants d’autres familles. En gros, si quelqu’un avait besoin de quelque chose, ils possédaient peu, mais ils faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour l’aider. Si quelqu’un se présentait, ils l’invitaient toujours à entrer et lui offraient de la nourriture. À partir de là, mon arrière-grand-mère s’appelait Maud Kendall, et elle a épousé un membre d’une autre famille de Loyalistes noirs, c’est-à-dire William Marr, qui était un descendant d’Eneas Lupee, un autre Loyaliste noir qui est arrivé ici en 1783. Ensuite, William et Maud ont eu trois enfants : il y a eu leur fille Thelma, qui s’est mariée avec un membre de la famille Nash, une autre famille bien connue de Fredericton; leur premier fils [s’appelait] Hewlett Marr et leur [autre] fils, John Marr. Ce dernier était mon grand-père. Il a servi pendant la Seconde Guerre mondiale et, à l’époque, on raconte qu’il a dû envoyer tout son salaire à la ferme, parce que sa famille risquait de perdre la propriété à ce moment-là. Donc, en gros, tout ce qu’il a gagné est revenu ici. Hewlett Marr, quant à lui, était forgeron dans la région. Il a été apprentis sous la direction de Vic Kelly, qui était un forgeron réputé. Il est même allé travailler au village historique de King’s Landing quand on a commencé à construire le site. Or, j’ai parlé à des gens à King’s Landing, et Hewlett était reconnu comme étant l’un des meilleurs forgerons qu’ils aient jamais eus. Tous les travaux de ferronnerie complexes que vous voyez là-bas ont été réalisés par lui et sont également censés porter ses initiales. Il a fait cela pendant de très nombreuses années. En fait, ce fer à cheval aurait été fabriqué par Hewlett parce qu’il avait également une forge ici sur la propriété. Il se serait [aussi] déplacé pour ferrer des chevaux dans différentes fermes et d’autres endroits. Hewlett a été le dernier descendant de Solomon Kendall à vivre sur cette propriété. Il est décédé en 1999. À un moment donné, en 2000, on a brûlé la vieille maison, et depuis, le terrain est resté vacant. Je veux donc m’assurer que Hewlett ne sera pas oublié.
[MJ] Qu’aimeriez-vous faire, et quels sont vos rêves en ce qui concerne cette propriété?
[JD] Transmettre l’histoire. J’aimerais marquer les tombes afin que rien ne change [pour] les générations futures, et afin que les gens sachent à qui appartenait cette propriété, quelles étaient les personnes enterrées ici et quelle est en gros leur histoire. Il s’agit simplement de transmettre l’histoire afin qu’elle ne sombre pas dans l’oubli.
[MJ] Et bien Jennifer, je dois dire que vous faites un excellent travail, et je vous souhaite la meilleure des chances. Merci.