En souvenir d’Ira Gosman
Gracieuseté de la Ville de Fredericton, Lieux patrimoniaux du Canada, 2011.
Cimetière commémoratif Alexander Gibson, Marysville (N.-B.). Ira et Salome Gosman sont tous les deux enterrés ici dans des sépultures non marquées.
Ira Gosman
par le
Dr Douglas Pond
Marysville a produit quelques personnages remarquables au fil des ans et l’un d’entre eux était sans aucun doute Ira Gosman. Frank Robinson a déclaré que «
Ira était un grand homme de 6 pieds 9 pouces et pesait 360 livres. Ses mains étaient comme deux gros jambons –
les deux couvraient le dessus d’une roue de chariot.
» Ira était fort comme un bœuf, mais rarement énervé, il parlait doucement et avait de bonnes manières… Et Ira n’avait certainement pas peur du travail.
La plupart des histoires sur Ira concernent lui et son cheval Pet Lamb. Ira s’accrochait généralement au limon et aidait le cheval à hisser une charge en haut d’une colline, et à de nombreuses reprises, il hissait la charge en haut de la colline [pour son cheval], car il pensait que la tâche était trop difficile pour Pet Lamb. Billy Arnold a déclaré : « Nous, les jeunes, aimions Ira, car il ramassait toujours des pierres et les jetait dans le fossé. Il avait toujours peur que Pet Lamb s’y coupe le pied ou s’y blesse la cheville. » Bill dit que nous connaissions le danger que représentaient les pierres, car la plupart du temps, nous allions à l’école pieds nus. Il y avait parfois des nuages de poussière sur la route en raison de la circulation intense, et nous appréciions l’absence de pierres lorsque nous nous frayions un chemin vers l’école.
Mon père (Horace Pond) ne pouvait suffisamment parler en bien d’Ira. Alors qu’il était jeune adolescent, il est allé à Nashwaak chercher son père (Sandford Pond) qui était directeur du scrutin pour l’élection. À cette époque, un tonneau de rhum était généralement à portée de main au bureau de vote, et à la fin de la journée, il y avait un certain nombre d’hommes ivres, dont beaucoup cherchaient à se battre. Papa venait juste d’attacher son cheval, quand une foule s’est jetée sur lui sans raison apparente. Il a eu peur et s’est réfugié sous le chariot; ils ont alors essayé de le faire sortir et certains ont essayé de le frapper. Soudain, la foule s’est dispersée. Ira a balancé ses bras de droite à gauche, et a renversé la foule comme si c’était neuf quilles. Il a dit à mon père
: « Attrape ma ceinture, Horace », et il s’est frayé un chemin à travers la foule jusqu’au bureau de vote.
Ira était un ouvrier apprécié pour la drave. Il était non seulement fort, mais aussi agile comme un chat sur les billots. Lors d’une drave, un type n’a cessé de demander au contremaître de «
se débarrasser de ce [terme raciste]
». Non seulement ce type a harcelé le contremaître, mais il a tout fait pour rendre la vie d’Ira difficile. Ira a eu de nombreuses occasions de se retourner contre lui, mais il ne l’a pas fait. Il avait tué un homme quelque temps auparavant à Gibson [South Devon à Fredericton] et bien qu’il ait été déclaré non coupable, il a toujours regretté d’avoir agi si vite. Un homme qui avait bu dans l’une des tavernes a essayé à répétition de se battre avec Ira, mais ce dernier a continué à le repousser en disant : «
Va-t’en, mec.
» Soudain, l’un des passants a crié
: «
Attention, Ira, il a un couteau!
» Ira s’est élancé par-dessus son épaule au moment où l’homme bondissait sur lui et lui a attrapé le visage, lui brisant le cou. Ira n’a plus jamais été impliqué dans une bagarre après cela.
La situation s’était tellement envenimée que le contremaître avait placé Ira à la queue de la drave et l’autre à la pointe. Comme cela arrive souvent pendant une drave, il y avait un embâcle. Ils ont eu beau essayer, ils ne parvenaient pas à le défaire. Il faut savoir que dans la plupart du temps, pour briser des embâcles, il faut trouver la seule bille qui cause l’enchevêtrement et la déloger, mais le problème est de la trouver et, une fois qu’elle est trouvée, de la déloger. Finalement, on a décidé d’utiliser de la dynamite. L’équipage de queue avait bien rattrapé son retard et observait l’opération, alors que deux hommes posaient la charge. L’un d’eux s’est précipité vers la berge pendant que l’autre allumait la mèche. Ce qui s’est passé ensuite ne figure pas dans les livres, et personne n’a pu comprendre après coup ce qui a fait exploser la charge prématurément, mais c’est ce qui s’est produit. Donc la mèche cochée s’est enflammée, et l’explosion a propulsé l’homme dans les airs et dans l’eau, où il a coulé. Les billes ont commencé à partir dans toutes les directions, et l’homme a fait surface, mais semblait incapable de faire autre chose que de s’accrocher à une grume. Sans hésiter, Ira s’est mis à se frayer un chemin entre les billes. Il a ensuite attrapé l’homme et l’a projeté vers la berge, puis s’est faufilé encore entre les grumes, a rattrapé l’homme et a refait la même chose jusqu’à ce qu’il l’ait ramené sur la berge. Une fois sur la berge, il s’est tourné vers l’homme et a dit : «
Je suppose que Dieu avait une raison pour que ce [terme raciste] soit de cette drave.
» Le gars n’a même pas dit merci, puis lui a tourné le dos, a pris son équipement et sa paie, et est parti.
Ira [Gosman] et Moses Clark ont extrait la plupart des pierres utilisées pour construire les caves des maisons de Marysville. La barre qu’ils balançaient toute la journée n’était pas une mince affaire. Mon frère Hazen, membre de l’équipe de tir à la carabine de l’UNB, se rendait un jour au champ de tir en passant par l’ancienne carrière. Il a vu la barre là et a essayé de la soulever, et il a dit qu’il n’arrivait pas à la dégager du sol. Il n’arrivait pas à croire qu’un seul homme avait balancé cette barre toute la journée. Ira et Moses étaient des hommes forts et compétents et, bien sûr, tout le monde voulait les voir croiser le fer (se battre). Mais comment faire, puisque les deux hommes étaient bien conscients de leur force et faisaient tout pour éviter de se battre avec qui que ce soit. Par surcroît, ils étaient tous les deux de vrais gentlemen. Un pique-nique sur la colline du terrain de baseball a finalement procuré l’occasion idéale. Après beaucoup de persuasion, ils avaient tous les deux accepté un combat de lutte. La nouvelle s’est répandue rapidement et, ce jour-là, des gens se sont rassemblés non seulement des environs, mais aussi de St. Stephen, de St. John, de Moncton, de Newcastle et d’aussi loin en amont qu’Edmundston.
C’était une journée parfaite pour un pique-nique, et à 10 heures, le match que tous attendaient a débuté. Les deux hommes se sont déshabillés jusqu’à la taille, se sont serré la main et ont souri, puis se sont affrontés. Les deux hommes étaient solidement bâtis, Ira ayant l’avantage de la taille. Ils se sont empoignés, se sont séparés, ont boxé en faisant des feintes, puis se sont empoignés de nouveau. La sueur coulait sur leurs visages et leurs corps alors qu’ils donnaient tout ce qu’ils avaient. Après trois heures de combat, ils se sont séparés, ont souri, se sont serré la main et se sont quittés. Le mieux qu’ils aient pu faire était de mettre l’autre à genoux, et ce fut tout.
Ce que Moses Clark n’a pu faire, l’appendice d’Ira l’a fait. Il s’est rompu avant que le médecin ne s’en occupe, et bien que ce dernier ait fait de son mieux par la suite, Ira est mort quelques semaines plus tard. Papa dit qu’il se souvient qu’Ira marchait sur la route après l’opération, et il l’a dit à sa mère. Elle est sortie et a invité Ira à se reposer, et elle lui a préparé un dîner. Papa a dit qu’Ira était sur le point de mourir, et il n’arrivait pas à croire que cet homme avait vieilli si vite. Même sur son lit de mort, Ira n’a jamais perdu son calme. Il a entendu le docteur dire à sa femme que tout était fini. Ouvrant un œil, il a levé les yeux et a dit : «
Ce docteur me fait vraiment perdre mon temps.
»
Dr. Douglas Pond, Marysville, 1983
[Manuscrit dactylographié,
collection de la Nashwaak Bicentennial Association;
Archives provinciales du Nouveau-Brunswick, MS7/8].