Entretien avec Doreen McCutcheon
Enregistrement audio réalisé par le Musée et société historique de Chilliwack
Entretien entre Penny Lett du Musée et société historique de Chilliwack et Doreen Brodie McCutcheon
Date : 1983
Lieu : Chilliwack. Colombie-Britannique
Musée et Archives de Chilliwack, Add. Mss. 417
Penny Lett s’entretient avec Doreen Brodie McCutcheon (à droite sur cette photographie de 1962), et évoquent les quartiers chinois de Chilliwack, l’ouvrier agricole Jim Lee, l’usage de l’opium, les cadeaux et la générosité, Noël, la nourriture, la culture des pommes de terre, les enfants et les funérailles.
Transcription :
Lett
C’est incroyable, vraiment incroyable. Maintenant, j’aimerais un peu parler du quartier chinois et de Jim Lee. Jim Lee était un Chinois qui travaillait dans votre ferme, n’est-ce pas?
McCutcheon
Oui, c’était un employé. Il a travaillé chez nous pendant 25 ans. Il venait travailler à pied depuis le quartier chinois tous les matins et puis, le soir, il rentrait. Il prenait son dîner avec nous.
Lett
Était-ce le quartier chinois de la rue Yale?
McCutcheon
Euh, de la rue Yale Ouest, près de « Frosted Foods ».
Lett
Était-il né en Chine?
McCutcheon
Oui. Et sa femme était restée là-bas.
Lett
Et il faisait partie des… de ce qu’on appelait les célibataires qui vivaient ici?
McCutcheon
Oui, ils sont venus ici pour travailler en espérant, je suppose, qu’ils feraient venir leur épouse plus tard mais la sienne n’est jamais venue. Mais, euh… leurs maisons étaient très proches les unes des autres, comme des maisons en enfilade. La plupart étaient d’un côté de la rue, du côté gauche en allant vers Sardis. Le Temple maçonnique était aussi, euh, un lieu très important et les francs-maçons de Chilliwack y étaient invités pour les banquets.
Lett
Alors ça, ça doit être le Temple maçonnique, qui servait pour les occasions spéciales et ce genre de chose. Comment étaient les maisons en enfilade? Étaient-elles littéralement collées les unes aux autres?
McCutcheon
Oui, autant que je me rappelle, elles étaient collées les unes aux autres, en tout cas, très proches mais je crois qu’elles étaient collées.
Lett
Étaient-elles hautes?
McCutcheon
Non, elles n’étaient pas très grandes, elles n’étaient pas très grandes et elles avaient une sorte de galerie tout le long de la façade.
Lett
Une sorte de trottoir en quelque sorte?
McCutcheon
Oui, un trottoir.
Lett
Et vous m’avez dit que l’été, quand vous passiez, vous les voyiez assis dehors en train de fumer l’opium?
McCutcheon
Euh, d’après ce que Jim Lee nous disait, euh, ils fumaient l’opium. Et le vieux était assis dehors, les soirs d’été, sur la galerie et, euh, ils avaient cette espèce de très longue pipe et c’est ce qu’ils faisaient, ils fumaient l’opium.
Lett
Où se procuraient-ils l’opium?
McCutcheon
En Chine, je suppose. Je ne sais pas.
Lett
Il arrivait par Vancouver?
McCutcheon
Probablement, je ne saurais dire. Ils avaient une source d’approvisionnement, peut-être (incompréhensible).
Lett
Les Chinois aiment beaucoup les enfants et euh, j’ai entendu dire qu’ils apportaient des cadeaux aux enfants des fermiers pour lesquels ils travaillaient, c’est vrai?
McCutcheon
Oh, oui! Les Chinois sont très, très généreux et, euh, à chaque Noël, on avait hâte de recevoir les lys chinois, un pot pour les mettre dedans. On mettait aussi des roches à la base et juste de l’eau. Des roches et de l’eau, les roches pour tenir le bulbe et les racines; ils deviennent très grands, l’arôme des fleurs est très fort. Et, euh, des lychees, qui sont délicieux. Ils ont une coque molle et sont très charnus autour du noyau. Et, euh, des feux d’artifice, et euh, je ne trouve pas le mot. Les pousses, les pousses végétales, vous appelleriez ça des pousses ou comment?
Lett
Oh, probablement.
McCutcheon
Oui, très tendres. Des germes! C’est le mot que je cherchais. Des germes très tendres. Il en apportait aussi. Parce qu’ils mangent beaucoup de choses comme ça.
Lett
Et les Chinois d’ici étaient, euh, dans la culture des pommes de terre? C’était leur…?
McCutcheon
Oui, c’est ça. Ils louaient des terres, un champ, à un fermier et ils, euh, plantaient leurs propres pommes de terre et les vendaient.
Lett
Y avait-il des enfants chinois à l’école avec vous?
McCutcheon
Oui, je pense qu’ils étaient 7 ou 8 à l’école Robertson. Les, euh, les enfants s’entendaient tous bien. Oui, (incompréhensible), la plupart des Chinois.
Lett
Parlez-moi des funérailles chinoises et de la danse du dragon.
McCutcheon
Oh oui, lorsqu’il y avait des funérailles dans, euh, dans le quartier chinois, ils apportaient toujours le dragon. Et, apparemment, la queue du dragon était très, très importante. Et une fois, le, euh, Jim a montré à mon père comment la queue aurait dû bouger parce que celui qui s’en occupait ne le faisait pas correctement. Et il montrait à mon père comment ça devait se faire.
Lett
C’était un pas de danse spécial alors?
McCutcheon
Oui, tout à fait.
Lett
Très rituel et très important que ça soit fait correctement. Alors la danse du dragon exigeait un certain nombre de personnes dans le….?
McCutcheon
Je pense parce que ce costume de dragon est assez grand. Je crois qu’ils font ça dans le quartier chinois de Vancouver, n’est-ce pas?
Lett
Et dites-moi, euh, pendant les funérailles, ils lançaient des espèces de confettis avec des trous dedans?
McCutcheon
Oui, je crois que le diable devait passer par tous les trous des confettis avant de pouvoir… de pouvoir attraper l’âme et il n’y arrivait probablement jamais. Et ainsi la personne était sauvée.