La traite des fourrures
Interview avec Olivia Marie Golosky et Lawrence Gervais. Filmé à la maison Lougheed le 5 novembre 2018. Vidéographie de Jacquie Aquines, 2019.
Olivia Marie Golosky
[0:00 – 1:37]
C’est difficile. Je parle toujours de ce qu’est l’identité métisse, de qui est Métis et de qui ne l’est pas. C’est un peu bizarre de parler de ça parce que c’est une notion vraiment coloniale. Même de poser la question comme ça, je me dis que même dans mon for intérieur, il y a la Métisse avec un grand M, qui représente la Nation et même les corps politiques à vrai dire, puis il y a la métisse avec un petit m. Les deux ont bien des similitudes, mais bien des différences aussi. D’après la désignation qui nous a été accolée par le gouvernement canadien, il faut que la descendance pure puisse remonter jusqu’à l’établissement de la rivière Rouge si je comprends bien. Une chose qui nous frustre particulièrement, c’est que bien souvent, les textes qui sont publiés à notre sujet en tant que peuple ne sont pas écrits par des Métis. Souvent, les textes qui font prétendument autorité en la matière sont rédigés par des personnes qui ne sont pas autochtones ou métisses, et par des personnes qui ne viennent pas de la région ou ne vivent pas là. Je pense que même la façon dont nous comprenons, nous-mêmes, la signification du terme Métis est un peu fracturée parce que souvent, les gens n’ont pas de lien avec leur communauté et ne sont pas nécessairement nés dans les établissements ou n’y ont pas vécu. Je pense que pour moi, ce que ça veut dire d’être Métisse, c’est un peu comme si je faisais partie d’un entre-deux monde. Autrement dit, je descends d’un colon, mais aussi d’une personne autochtone. J’ai un lien avec les deux et la façon dont ce lien se gère évolue constamment.
Lawrence Gervais
[1:38 – 2:51]
Il y a du sang mêlé depuis 1535. Avant Sir James Lougheed et Lady Isabella Hardisty, il y a probablement eu une douzaine de générations de sang mêlé. À l’époque de la traite des fourrures, le raisonnement était le suivant : pour survivre ou pour faire des progrès, il fallait prendre une femme autochtone, une femme du pays. C’était souvent une question de survie. Ces jeunes filles savaient comment apprêter le gibier, connaissaient tous les aspects de la chasse et les bienfaits des différentes herbes. Elles savaient bien des choses qui aidaient les marchands de fourrures à survivre. Ils prenaient donc des « femmes du pays » avec qui ils avaient des « enfants du pays », ce qui donnait du sang-mêlé ou des Métis. Donc, avoir un père européen et une mère autochtone, ce n’était pas hors norme. C’était très courant dans le temps.