La Mont Ste-Marie
Une idée
Chez les Desgagnés, on parle bateaux. On les imagine, on les construit, on les finance et on les mène.
L’hiver, les membres d’une même fratrie préparent la saison prochaine. Quand les finances sont bonnes, que les prêteurs sont au rendez-vous, on met une nouvelle goélette en chantier. Pour dessiner les lignes de leurs bateaux, les Desgagnés font appel aux charpentiers locaux : Nérée Mailloux, de Baie-Saint-Paul, et les frères Audet, de Saint-Joseph-de-la-Rive.
Au début des années 1950, les frères J.A.Z., Roland et Maurice rêvent de leur prochaine goélette en fabriquant une demi-coque constituée d’une douzaine de planchettes. Elle sera le modèle réduit du bateau à construire, à une échelle d’un demi-pouce au pied. Il faut travailler avec minutie, car de cette maquette naîtra une goélette stable ou rouleuse, rapide ou trop lente, qui prendra bien la mauvaise mer ou qui fatiguera dans les vagues. Ils confient la construction de ce bateau, le plus grand construit au village, au charpentier maritime Albert Audet.
Le charpentier vérifie la demi-coque. Puis, après quelques corrections, il la démonte, couche les courbes de chaque planchette, et dessine les plans nécessaires pour l’approbation par les inspecteurs du ministère des Transports du Canada.
Du plan, le charpentier produit un dessin grandeur nature détaillé afin de fabriquer les gabarits pour chaque membre. Cette technique de transposition du modèle réduit au plan se nomme la draft.
Suit la sélection du bois. Les capitaines-armateurs et le maître-charpentier explorent les forêts voisines. Chaque arbre et chaque racine aura une place spécifique dans ce qui deviendra la charpente du bateau. La cueillette pour le bois nécessaire prendra tout un hiver.