Les voitures électriques 100 % canadiennes (1897–1902)
À la fin des années 1890, l’idée de la voiture électrique est bien implantée dans l’esprit populaire. Les villes de New York et de Londres, en Angleterre, comptent chacune plus d’une douzaine de taxis électriques en service, et le public prend progressivement conscience de l’utilité des véhicules électriques dans l’environnement urbain. En 1899, la voiture électrique fait la une des journaux du monde entier lorsque le Belge Camille Jenatzy bat le record du monde de vitesse sur route, une pointe de 106 km/h, dans sa « Jamais Contente ». Partout dans le monde, les gens réclament davantage de voitures électriques, et le Canada ne fait pas exception.
Toronto avait déjà un prototype électrique, la Fetherstonhaugh, et ce n’était qu’une question de temps avant que son créateur, William Still, passe à des projets commerciaux. La Canadian Motor Syndicate (CMS) est fondée en 1897, avec Still comme ingénieur en chef, pour accorder des droits de licence, fabriquer et vendre ses modèles de voitures électriques.
Lors de sa première participation à l’Exposition nationale canadienne de 1898, CMS présente un tricycle de livraison électrique à trois roues prêt à la vente. Plus tard cette année-là, CMS commercialise son premier véhicule particulier, un tricycle biplace qui ressemble à un canapé sur roues. Le véhicule, avec sa carrosserie en osier, ne se vend pas, ce qui convainc Still que de plus grands projets sont à l’ordre du jour.
En 1899, Still invente un moteur électrique beaucoup plus grand et plus efficace, mieux adapté aux grands véhicules. La CMS est réorganisée sous le nom de Still Motor Company Limited (SMC) et se lance sérieusement dans la vente des véhicules particuliers et commerciaux. Son usine de la rue Yonge est une véritable ruche : les commandes arrivent si vite que l’entreprise doit installer l’une des premières lignes téléphoniques de la ville de Toronto.
>En général, la SMC ne construit pas de véhicules de toute pièce. Les clients lui apportent des véhicules commerciaux et l’entreprise les rééquipe avec des moteurs et des batteries Still. Parmi ses premiers clients figure la société voisine Parker’s Dye Works et, en 1900, bon nombre des plus grandes entreprises industrielles et commerciales de Toronto comptent au moins un ou deux véhicules SMC dans leur parc de voitures. De l’avis général, les voitures électriques de la SMC étaient légères, relativement rapides et faciles à manier. Cependant, il s’agissait pour la plupart de modèles personnalisés, ce qui signifiait pour la société des coûts élevés et des bénéfices réduits.
Alors que sa comptabilité est dans le rouge, la SMC est tirée d’affaire grâce au rachat par un groupe d’investisseurs britanniques qui renomme la société Canadian Motors Limited (CML). À la fin de 1899, Still met au point une gamme de voitures électriques à deux et quatre places qui connaissent un succès modéré : les Ivanhoe et les Oxford. Chargée de les vendre non pas au Canada, mais en Angleterre, la CML devient non seulement la première entreprise automobile de propriété britannique au Canada, mais aussi le premier exportateur de voitures du Canada. À la fin de 1900 et au début de 1901, elle expédie des dizaines de véhicules en Angleterre.
Malgré la publicité éblouissante de la CML et le succès des Ivanhoe et des Oxford lors de plusieurs essais routiers en Angleterre, la société ne fait pas long feu. En 1904, pour des raisons obscures, elle ferme ses portes des deux côtés de l’Atlantique.
Still abandonne le secteur automobile pour se consacrer à des projets d’ingénierie plus lucratifs, mais son legs perdure. En 1903, la Canadian Cycle & Motor Company achète l’ancienne usine de la CMS pour développer sa propre voiture électrique, une conception américaine également appelée Ivanhoe. Bien que les premières tentatives canadiennes d’une voiture électrique commerciale se retrouvent au point mort, il ne fait aucun doute que la voiture électrique a trouvé un marché et que sa popularité ne cessera de croitre… pendant quelque temps.