Brian Freney et Dennis McIvor
(Brian) Nous n’en avions pas du tout parlé pendant les funérailles. Sur le chemin du retour, en direction de la caserne 13… on était probablement ensemble?
(Dennis) Oui, si je ne m’abuse.
(Brian) Nous nous sommes mis à dire à quel point le service d’incendie faisait pitié comparativement au service de police. Puis, l’idée a surgi : pourquoi ne pas avoir notre propre garde d’honneur? C’est comme ça que c’est arrivé. Sans trop réfléchir, on s’est dit pourquoi ne pas le faire, et dans le temps de le dire, nous étions en train d’organiser une garde d’honneur.
(Dennis) Je me souviens d’avoir dit… Brian, tu t’en rappelles? J’ai dit qu’on avait l’air de fusiliers broche à foin.
(Brian) Oui, quelque chose du genre.
(Dennis) À l’époque, les policiers recevaient de la formation pour apprendre à défiler. On avait parlé de ça aussi si je me souviens bien. Pourquoi on ne nous enseigne pas ça à l’école des pompiers? On aurait pu éviter tout ça. Peu après, on a écrit au chef de l’époque, Derek Jackson, pour qu’il considère notre proposition. Je pense qu’Al Sanofsky m’avait rappelé de ne pas faire ça. Lui et moi, on avait un genre de ligne téléphonique directe. Al était au bout de la ligne, et moi de l’autre.
(Brian) Et le téléphone était des deux côtés.
C’était en quelle année?
(Dennis) En 1970.
(Donc, avant 1970, il n’y avait pas de formation pour ça?)
(les deux) Non, rien.
(Dennis) On allait à l’école des pompiers, et…
(Brian) on apprenait à monter dans le camion et à en descendre, équipés d’une clé de maison, d’une clé de barrage et d’un tuyau. C’était à peu près tout.
(Dennis) Et on y allait dans nos propres vêtements décontractés.
(Brian) Comme des civils, sans uniforme.
(Dennis) Il n’y avait pas d’uniforme. Rien. Ce qu’on avait, ça venait des autres gars.
(Brian) Les gars qui étaient déjà établis.
Des vêtements usagés?
(Brian) Oui, ni plus ni moins, des vêtements usagés.
(Dennis) Des vieilles chemises, j’avais…
(Brian) des vieilles chemises, des vieux pantalons.
(Dennis) J’avais une super vieille chemise avec une pièce de rapiéçage grosse comme ça, du service d’incendie de Calgary. Elle était jaune et bleue. Ça remonte à loin ça. J’avais une paire de pantalons. À ce moment-là, je portais du 30, et le gars qui me les avait donnés, il portait du 36. Mes deux poches d’en arrière étaient côte à côte une fois le pantalon rapetissé. Mais c’était comme ça. On allait aux casernes, et si on trouvait une bonne âme qui nous disait : « Ah, tu as besoin d’une chemise, prends celle-là », c’était bien de ce point de vue là.
(Brian) Parce que bien des gars faisaient du travail au noir, presque tout le monde le faisait. Ils enlevaient les écussons de leurs chemises et les portaient pour faire du travail au noir parce que c’était tellement de bonnes chemises. Ils ont fait ça pendant des années.
Donc, en 1970, vous reveniez de… funérailles?
(Brian) Oui. Les funérailles de Lloyd Dutnall.
Et c’est comme ça que la conversation a commencé. Et ensuite, vous avez parlé d’une lettre hier.
(Brian) On a écrit une lettre et on l’a envoyée… je pensais qu’on l’envoyait directement au chef.
(Dennis) Oui, c’est ça, et Al était alarmé parce que j’ai mentionné son nom dans la lettre, où je demandais s’il pouvait avoir la gentillesse de nous montrer comment faire. Le service d’incendie est considéré comme un établissement quasi militaire, mais pas au point où Al l’aurait voulu. Il fallait passer par les bonnes personnes. C’est pour ça qu’il était fâché. (inaudible)
Vous parlez d’Al Sanofsky? C’est ça. Il ne voulait pas aller de l’avant parce qu’il ne pensait pas que vous pouviez atteindre des normes dignes du milieu militaire?
(Brian) C’est tout à fait possible, mais peut-être aussi qu’il en avait marre de l’aspect militaire de sa vie. Il a été dans l’armée pendant longtemps. Il était à Mewata, et peut-être qu’il ne voulait plus ce genre d’attention, ou le manque d’attention. Je ne sais pas au juste, mais comme je vous le disais hier, après quelques mois, le chef lui a fait changer d’idée.
À cause du congrès des chefs qui s’en venait?
(Dennis) Mais tu sais, Brian, c’était un SMR, il avait de l’autorité.
(Brian) À la caserne, on pouvait voir que c’était un militaire bien formé. Il marchait de manière très prononcée, avec sa stature. Les gens qui le voyaient se disaient que ce n’était pas n’importe qui et qu’ils devaient faire attention en sa présence. Mais il aboyait bien plus fort qu’il mordait. Vraiment. Après le congrès des chefs en 81, non en 71, il nous a invités à son petit domaine, et on a fait la fête. Il a tout fourni, la boisson, la nourriture et tout le reste. Donc, il n’était pas aussi dur qu’on le croyait. Mais bien des gars ont eu des conflits avec lui.
(Dennis) Quand on regarde la photo qu’on essaie d’identifier, Brian l’a dit, c’est tellement dommage… Joe Lewko, photographe de l’ancien service d’incendie, appelé le bureau de prévention des incendies, était le photographe du service à l’époque. Ensemble ce matin, on essaie d’identifier les personnes figurant sur la photo. Pour la rangée d’en avant, ce n’est pas si mal. On a réussi à en identifier quelques-unes. Mais pour la rangée du fond, c’est très dur. Dommage que personne n’ait écrit les noms à ce moment-là, parce que c’est de l’histoire. Les personnes que nous avons réussi à identifier dans la rangée d’en avant avaient toutes été dans l’armée de terre, de l’air ou de mer.
(Brian) Certaines personnes avaient fait partie de la réserve, mais elles étaient toutes d’anciens militaires.
Quelle bonne base pour commencer. Les gens de milieu militaire. Puis d’inciter toutes ces personnes à participer.
C’est pour ça que ça a été si facile de les former, parce qu’ils savaient quoi faire. Certains des gars étaient sortis de l’armée depuis un bon bout de temps, et d’autres, depuis pas longtemps. Ils n’avaient jamais oublié comment faire, et c’est pour cette raison qu’ils faisaient partie de la garde d’honneur. Ils avaient le désir d’être professionnels et de nous montrer comment bien faire les choses. Même pour les cérémonies du drapeau qu’on fait de nos jours, il a fallu beaucoup de temps pour les perfectionner parce que chaque service les fait de manière un peu différente.
(Dennis) Et vous savez, tu t’en souviens Brian, j’en tirais beaucoup de fierté. Pour toi aussi, pour nous tous, en fait. Pendant le congrès des chefs, nous avons défilé sur la 9e Avenue, et les gens nous ont applaudis. C’est tout un souvenir. Nous avions des haches d’incendie et des gaffes en chrome qui nous avaient été données par Sproule, je pense.
(Brian) Sprouse, des extincteurs d’incendie de Sprouse.
(Dennis) Nous étions tellement fiers. Ça a changé la donne. Brian et moi, nous avons consacré beaucoup de temps à l’établissement de la garde. C’était donc le point culminant. Comme je l’ai dit, un moment de fierté.
(Brian) Et comme Dennis l’a mentionné plus tôt, ce que nous avons aujourd’hui, c’est inouï. Quand on a commencé, quand la garde d’honneur allait à toutes sortes d’événements et que tout le monde s’amusait, on ne s’est jamais attardés à se demander pendant combien de temps ça durerait. Ou si ça allait continuer, en fait. Et voilà où nous en sommes aujourd’hui. Les gens qui dirigent la garde d’honneur font de l’excellent travail. En toute humilité, je regarde en arrière et je me dis que j’ai joué un rôle là-dedans. Et Dennis aussi.
(Dennis) Si je comprends bien, de nos jours, il ne suffit pas d’agripper un gars par le collet et de le faire défiler. Il y a un processus de sélection, c’est bien ça? Et c’est bien. Je crois que c’est probablement unique à notre service. Comme je l’ai dit, nous étions la première garde d’honneur au Canada. Maintenant, une personne ne peut pas simplement se présenter et dire je vais défiler avec vous autres ce soir. Ça ne se fait pas. Il faut approuver les personnes d’abord. C’est bien.
C’est intéressant quand on y pense, vos débuts, et il y a maintenant d’autres gardes d’honneur d’un bout à l’autre du pays. Il n’y a pas de service d’incendie, même les services volontaires qui n’ont pas de garde d’honneur. C’est génial de penser que c’est vous deux qui avez lancé ça.
(Brian) Oui, ça fait partie de notre héritage. Pour moi, c’est gratifiant. Mais j’en suis fier aussi. Pour certains des services, la garde d’honneur se rassemble seulement quand il y a des événements, mais chez nous, nos membres participent à toutes sortes d’activités civiques, ce que nous faisions dans le temps aussi. L’inauguration de casernes, diverses réceptions à l’hôtel de ville, pour le maire et bien d’autres. Quand le maire Ralph Klein était là, on faisait souvent des choses avec lui.
(Dennis) Grant MacEwan.
(Brian) Grant MacEwan, c’était un autre homme d’exception, vous savez. Il avait une haute estime de la garde d’honneur. Quand on regarde en arrière et qu’on voit l’histoire dans les livres et tout, c’est super.
(Dennis) Te souviens-tu Brian, comme bien d’autres services quand des funérailles s’annonçaient, on nous disait : « Toi, toi et toi… vous faites la garde d’honneur ». Maintenant, c’est beaucoup mieux. C’est un gage de respect envers les gens, les membres qui suivent la tradition.
(Brian) Et envers la qualité des recrues du service d’incendie aussi, qui ont le désir d’être là. Je ne sais pas combien de gardes sont d’anciens militaires, en fait, mais je présume que certains d’entre eux le sont, peut-être même la plupart d’entre eux, je ne le sais pas vraiment. Du point de vue moral, c’est bien qu’ils aient le désir de se démarquer et de faire quelque chose pour le service d’incendie.
(Dennis) Aussi, c’est parce qu’ils sont fiers de leur travail. LE travail. C’est un terme particulier au service d’incendie, qu’on le sache ou non. Pour les services d’incendie d’un bout à l’autre du Canada, c’est LE travail. C’est unique, c’est LE travail. Ils pourraient aller plus loin et appeler ça « la fraternité », parce que c’est exactement ce que c’est. Brian et moi, nous sommes fiers de pouvoir dire que nous avons fait notre part pour la garde d’honneur. Es-tu d’accord avec ça?
(Brian) Tout à fait.