Grant Rinas
Pour moi, la raison d’être de la garde d’honneur, c’est de nous rappeler au souvenir de deux groupes de personnes essentielles, soit nos pompiers disparus et les familles de nos disparus.
Pourquoi avez-vous intégré les rangs de la garde d’honneur?
La raison principale pour laquelle j’ai intégré les rangs de la garde d’honneur se rapporte à une expérience très personnelle concernant la sœur d’un de nos pompiers disparus, Janet. J’ai eu l’occasion de prendre connaissance de ce qu’elle a vécu chez mes parents. Janet était une amie de mes parents, et ma mère m’avait dit : « Pourquoi ne viens-tu pas prendre un café avec nous? » Janet m’avait demandé si j’étais pompier, et je lui ai répondu par l’affirmative. C’est alors qu’elle m’a dit que son frère était pompier. Et je lui ai demandé quel était le nom de son frère pour voir si je le connaissais. Elle m’a répondu qu’il était mort il y a longtemps, dans l’exercice de ses fonctions. Je lui ai alors demandé le nom de son frère, et elle m’a dit que c’était David Allan. Bien sûr que je connaissais le nom de David Allan et son histoire. Pendant notre conversation, je lui ai demandé si elle était déjà allée au monument commémoratif de l’hôtel de ville. Elle m’a répondu : « Vous savez, je suis pas mal vieille ». Je pense qu’elle avait 91 ou 92 ans à l’époque. Puis elle a ajouté : « J’y suis allée une fois, à l’inauguration. Mon mari et moi n’y sommes jamais retournés. » Je lui ai demandé si elle voulait y retourner, et elle a rétorqué qu’elle adorerait y aller. Je l’ai donc emmenée au monument commémoratif, et… vous savez, un aspect intéressant de cette histoire, c’est que je portais mon uniforme numéro un, avec mes décorations. En route vers le monument, le mari de Janet était assis en avant à côté de moi. Il m’a regardé et m’a dit : « Oh, je vois que vous portez vos décorations ». Il jette un coup d’œil à mon uniforme et je lui dis que c’était une bonne journée pour ça. Il m’a répondu : « Peut-être que j’aurais dû porter les miennes ». C’est là que je lui ai demandé où il avait reçu les siennes. Avec un mince sourire, il a répliqué : « J’ai reçu ma première médaille sur la plage de Juno en 1944. Je me suis alors dit que j’étais en présence d’un grand homme, et qu’on ne connaît pas toujours l’histoire des gens. Donc, nous sommes arrivés au monument du centre-ville. Janet et Art, son mari, aimaient la façon dont on rendait hommage aux pompiers disparus, ce que notre garde d’honneur faisait et toute la circonstance. Dans le courant de notre conversation, Janet m’a demandé si je pensais qu’il y avait des gens là qui se souviendraient de son frère ou qui auraient travaillé avec lui. J’ai donc posé la question à certains des hommes plus âgés, et c’est là qu’on m’a présenté à un type du nom de Murdo MacKenzie. Janet a alors rencontré M. MacKenzie et je lui ai dit que Janet était la sœur de David Allan. La connexion s’est faite visuellement. Peu de paroles se sont échangées. C’était un moment très émouvant. C’est alors que je me suis rendu compte que rendre hommage aux membres de la famille, c’est tout aussi important, et peut-être même plus, que de rendre hommage à nos pompiers disparus, pour faire en sorte que ces familles ne soient jamais oubliées.
Comment votre participation à la garde d’honneur vous a-t-elle touché?
Attendons pendant une petite minute. J’entends des voix. C’était un excellent témoignage. Je pense que ça va maintenant.
Comment votre participation à la garde d’honneur vous a-t-elle touché?
J’avais toujours peur de perdre mon calme. Je pense que c’était probablement la chose la plus importante pour moi. En 2014, quand j’ai assisté à la cérémonie au Colorado en tant qu’invité de la garde, je me suis dit que je serais capable de le faire, tout en admettant qu’il n’y avait pas de mal à verser des larmes avec mes confrères et consœurs aussi. Ai-je eu l’occasion d’y retourner depuis? Non, pas depuis. J’ai été là pour les membres de la famille de certains de nos propres pompiers disparus au cours de l’année qui vient de s’écouler, et c’est très émouvant. La garde d’honneur fait vraiment ressortir le sens de la famille, la fraternité et la sororité que nous partageons tous en tant que pompiers.
Pouvez-vous me parler d’une cérémonie ou d’un événement qui a eu un sens particulier à vos yeux?
Il y a deux cérémonies qui ont un sens particulier à mes yeux et j’ai eu l’occasion de participer à chacune d’entre elles. La première, c’est la cérémonie de l’hôtel de ville que nous organisons pour nos propres pompiers, et la deuxième, c’est la cérémonie du Colorado, à laquelle j’ai assisté comme invité de la garde, ce qui a grandement influencé ma décision de faire partie de la garde d’honneur. J’avais toujours désiré faire partie de la garde d’honneur, mais je n’en avais jamais fait la demande. Pour être honnête avec vous, je n’avais jamais pensé que je serais capable de garder mon calme comme il se doit. Après avoir assisté à cette cérémonie, le fait d’être assis dans une salle pour le breffage initial, accompagné d’un millier d’hommes et de femmes, m’a permis de me rendre de compte que j’étais en compagnie de gens exceptionnels. Des gens de toute l’Amérique du Nord, qui sont prêts à faire des sacrifices. Ils vont travailler tous les jours en sachant que leur nom pourrait finir sur ce mur de granite, et ils continuent d’aller au travail. C’est là que je me suis rendu compte que j’étais en présence de grandes personnes. Mon premier événement d’envergure, c’était au Colorado. Ensuite, ce qui m’a marqué le plus, c’est la façon dont tout le monde s’occupe de tout le monde là-bas. Les gardes s’occupent des gardes, les pompiers s’occupent des pompiers, mais qui plus est, nous nous occupons des familles. Nous prenons soin d’elles. Nous ne les laissons pas seules. Nous veillons à répondre à leurs besoins. Nous faisons en sorte de prendre soin des familles et nous leur rendons hommage tout autant qu’au membre de leur famille qu’elles ont perdu. Donc, pour moi, le Colorado représentait bien des choses. C’est ce qui m’a incité à faire partie de la garde d’honneur. C’est là que je me suis dit que je voulais en faire partie officiellement. Je voulais en faire partie, faire ma part, faire quelque chose pour notre service aussi.
L’autre aspect du Colorado qui était très agréable, c’était le grand nombre de personnes présentes, comme dans le cas de tout service commémoratif de pompiers. Cet événement m’a donné l’occasion de mieux connaître les hommes et les femmes qui composent les autres gardes d’honneur d’un peu partout en Amérique du Nord. J’ai eu l’occasion de passer du temps avec Brent Jones, commandant de la garde d’honneur de l’IAFF, et avec son sous-commandant. Je vous dis qu’ils m’en ont raconté des histoires de choses qu’ils font à l’échelle internationale. Ils m’ont raconté ce qu’ils ont vécu aux funérailles des dix-neuf pompiers de Granite Mountain, comment ils leur ont rendu hommage à dix-huit funérailles consécutives jusqu’à ce que les familles leur disent de se reposer. Encore une fois, je me suis rendu compte que j’étais en présence de personnes d’exception. Ce soir-là, nous avons bu un peu de scotch ensemble, ce qui m’a permis d’apprendre à les connaître, et je suis resté en contact avec eux. Vous savez, les amitiés que nous nouons à l’échelle internationale, avec nos confrères et nos consœurs, c’est merveilleux. C’est un cadeau qui n’a pas de prix.