Quand tout devient noir et froid : le quotidien des sinistrés
Début janvier. Le jour laisse place à la noirceur dès 17 h. C’est l’obscurité totale. On assiste à une pénurie de chandelles dans les magasins, de même qu’un manque de lampes à l’huile, de piles, de combustible à fondue et de gaz propane. Les gens se ruent pour faire le plein d’essence. On craint une pénurie, car plus aucun convoi n’est capable d’acheminer les livraisons. À certains endroits, on compte deux heures et demie d’attente.
Même si le travail est souvent suspendu, le carburant est essentiel pour faire fonctionner les génératrices, pour aller chercher du bois et pour ceux travaillant à l’extérieur du « triangle noir ». Iberville va même jusqu’à rationner l’essence, pour en fournir en priorité au service de voierie et aux véhicules d’urgence. Certaines personnes vivant en campagne manquent également d’eau, le puits étant hors fonction. On fait venir des génératrices de partout où c’est possible. Ceux qui ne réussissent pas à en obtenir une tentent de se bricoler un chauffage d’appoint. Les procédés ne sont pas toujours sécuritaires, si bien que plusieurs personnes se retrouvent à l’hôpital, incommodées par le monoxyde de carbone. Dès le 13 janvier, on annonce un avertissement de froid intense. Le premier ministre Bouchard demande aux gens de quitter leur domicile : « De grâce, sortez de vos maisons si vous n’avez pas le chauffage adéquat. »
Le problème majeur rencontré par ceux qui restent à leur domicile est le puisard au sous-sol. Sans électricité, cette pompe ne fonctionne pas et l’eau monte. Certains voisins partagent une génératrice pour vider l’eau quotidiennement. À d’autres endroits, des militaires sont affectés à cette tâche en permanence.
« C’était cet esprit de solidarité où tout le monde était prêt à aider l’autre à côté. « As-tu besoin de quelque chose ? » Autant les gens à côté de chez toi que des gens de l’extérieur étaient prêts à venir t’aider. »
Nicole Mongeon, bénévole dans un centre d’hébergement
La clé est l’approvisionnement en bois pour se chauffer. Souvent, les militaires supervisent la distribution gratuite du bois qui arrive en immense quantité des quatre coins du Québec. On souligne l’aide de l’Abitibi, de la Baie-James, de la Gaspésie et du Saguenay. Cette dernière région rendait la pareille en quelque sorte, après l’aide reçue de la part de la Montérégie lors du déluge de 1996.