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Une bataille pour le paysage

Affiche de constestation mentionnant :

Affiche du mouvement Contestension Portneuf-Lotbinière.

 

4 octobre 1984. Un hélicoptère d’Hydro-Québec se pose dans un champ de Grondines. La propriétaire de la terre, alors absente, n’entend pas à rire quand elle est alertée. Et pour cause: affolée par l’arrivée de l’appareil, sa jument se blesse grièvement et en meurt quelques jours plus tard. Cette dame, c’est Micheline Beauchemin. L’artiste tisserande de réputation internationale avait trouvé à Grondines un refuge pour sa création. Son paysage, et surtout son fleuve, nourrira son œuvre, et les intentions d’Hydro-Québec de l’altérer alimenteront sa colère. Elle n’hésitera pas à confronter la société d’État et deviendra porte-parole d’un mouvement de contestation citoyenne sans précédent dans la région.

Photo de type « Polaroid » du fleuve. On y voit un premier pylône construit près de la berge et un chemin temporaire menant au milieu du fleuve.

Pylônes d’Hydro-Québec en construction, vers 1988.

Plusieurs autres propriétaires de Grondines et de Lotbinière reçoivent la visite inopinée d’employés d’Hydro-Québec chargés de déterminer le tracé de la future ligne Radisson-Nicolet-Des Cantons. Les citoyens sont mis devant les faits accomplis : la société d’État a signé un contrat pour fournir la Nouvelle-Angleterre en énergie du 1er septembre 1990 au 31 août 2000.  Il prévoit l’inauguration de la 6e ligne de courant continu en provenance de la Baie-James. La ligne à haute tension de 450 000 volts doit enjamber le fleuve à la hauteur de Grondines et Lotbinière, ce qui défigurera le paysage.

Projet critique, lutte épique

Poème de Félix Leclerc en soutient à Contestention. Il est écrit : « Les deux Hydro. À Hydro-Laideur, Hydro-Violeur, avec pylônes, ferrailles, démesures, je préfère l'invisible Hydro-Silence. Comme disait Nénée Leclerc de Lotbinière :

Les deux Hydro, Félix Leclerc (1987).

L’atmosphère est tendue. Des comités se forment pour contester la décision d’Hydro-Québec : Contestension Portneuf Lotbinière voit le jour en 1986[1]. Les citoyens défendent un patrimoine paysager inestimable alors qu’Hydro-Québec plaide le progrès et la prospérité du Québec. Aussi bien dire David contre Goliath.

 

Rapidement, le ton monte. Le 6 juillet 1986, le village devient le théâtre d’une manifestation avec chars allégoriques qui se déploient de l’église jusqu’à la limite de Deschambault. Signe de la grogne qui règne, on brûle même un pylône symbolique.

Le 9 avril 1987, le BAPE est catégorique dans son rapport :

Hydro-Québec n’a pas respecté les règles du jeu, a manqué de transparence et a, par conséquent, perdu dans ce dossier toute crédibilité.

Caricature de Robert Bourasse creusant un trou et lançant les résidus sur un employé d'Hydro-Québec.

Caricature de Robert Bourassa, Le Soleil, 26 novembre 1987.

En novembre 1987, le gouvernement recule et consent à la construction d’une traversée sous-fluviale. Le tunnel de quatre kilomètres sera inauguré en 1992. La traversée aérienne temporaire doit quant à elle être démantelée au plus tard le 31 décembre 1993.

À bas les tours ! (sous-titrage disponible en FR et EN) – Découvrez cette vidéo avec la transcription