D’une aiguille à un coup de tonnerre – les magasins et commerces de Shearstown
Pour une petite localité, Shearstown ne manquait pas de petits magasins et de commerces. Dans une petite zone située près de l’église anglicane se trouvaient quatre épiceries où, comme on dit ici, on pouvait tout trouver, d’une aiguille à un coup de tonnerre. La plupart des magasins n’existent plus aujourd’hui, mais quand on les mentionne, ils continuent d’évoquer des souvenirs nostalgiques chez les habitants de longue date : la boucherie de Bertram « Bert » et Bertha Dwyer, le magasin Doc’s, Marjorie et Roy Saunders, Jim et Marcie Earle, Ned Holmes et William « Bill » Saunders. Zippy Dwyer possédait un magasin, ainsi que Mary et Jesse Badcock, pendant quelques temps.
On se souvient de Bertha Dwyer comme d’une dame très chaleureuse et gracieuse, toujours souriante. Marjorie et Roy Saunders avaient un jukebox et vendaient des glaces et des croustilles ; c’est là que les enfants du coin se rendaient souvent pendant la récréation. Jess et Mary Badcock tenaient une confiserie, un autre lieu apprécié des enfants amateurs de bonbons.
L’entrepreneur local James Holmes installa un grand magasin plus bas sur la rue, à environ deux cents pieds de l’église. Il s’agissait d’un véritable magasin général qui proposait tout, du bureau de poste aux tonneaux de bœuf salé. Quand elle était adolescente, Trudy Hutchings travailla dans le magasin de Jim Holmes pendant une courte période :
Extrait audio avec transcription: Trudy Hutchings se remémore travailler pour Jim Holmes.
Berdina Cutler a aussi grandi dans le coin. Elle se souvient du système de crédit qu’utilisaient certains propriétaires de magasin.
Je me suis mariée en 1969 et ils étaient ouverts, alors. Nous avons vécu là avec mes parents pendant presque cinq ans. J’enseignais, et on était payé une fois par mois. On allait dans ces magasins : nous allions dans les deux et on achetait ce qu’on voulait, et quand on recevait notre chèque à la fin du mois, on descendait pour payer la facture. Bien sûr ils ne pouvaient pas faire ça pour tout le monde, mais pour des gens comme les parents de Trudy, s’ils voulaient, ou pour les miens et pour d’autres qui étaient payés une fois par mois, on avait notre compte et on le réglait à la fin du mois.
Toutes deux gardent des souvenirs de la boucherie Bert Dwyer et Fils, la deuxième boucherie de la famille Dwyer. Berdina se souvient :
Quand j’étais petite, on commandait chaque samedi ce qu’on voulait et ma mère envoyait l’un d’entre nous au magasin pour chercher la viande. Par exemple, on faisait une soupe avec du cou de bœuf. Je n’oublierai jamais ça parce que ça faisait une soupe vraiment délicieuse, ou un rôti. Pas de poulet, parce que tout le monde élevait les siens, peut-être un peu de porc, même si on élevait nos propres cochons aussi… Il y avait ce gros congélateur-chambre juste à l’entrée, de la sciure sur le sol et le petit comptoir où il prenait vos morceaux de viande et les emballait dans du papier de boucherie, ciré d’un côté et en papier de l’autre.
Berdina se rappelle faire des courses à la boucherie pour son père :
Papa disait quel morceau il voulait, et je me souviens que c’était toujours de la viande de cou pour faire de la soupe. Ah, si on pouvait encore en obtenir ! C’était bien meilleur que ce qu’on achète comme bœuf à ragoût, vous pouvez me croire ! Ils avaient un abattoir et on recevait sa viande fraîche dans leur petit magasin. Une fois, quand j’étais petite, je suis descendue à vélo un samedi pour aller chercher la viande, et Jim Sam Dwyer avait un grand bélier avec de grandes cornes enroulées. Le bélier est sorti de la cour, il m’est rentré dedans et m’a fait tomber de mon vélo ! Je suis rentrée à la maison et ai dit à Maman, que j’y retournerais jamais. Et j’y suis jamais retournée !
La mère de Trudy faisait livrer sa viande pour le repas du dimanche à sa porte par les Dwyer.
Oui, les rôtis étaient livrés ici, à nouveau emballés dans du papier de boucherie, mais on recevait ce que Burt Dwyer choisissait de nous donner cette semaine. Ils payaient la facture de bœuf, comme disait Maman, une fois par mois. Je me souviens de Maman qui disait : « Huit dollars ! Oh la la, c’est trop d’argent qu’on dépense pour du bœuf ! »
Un peu plus loin sur la route, la famille Parsons ouvrit son magasin en 1949, avec George et Jessie Parsons comme propriétaires. George était maître-charpentier, il avait travaillé sur les bases militaires américaines entre 1940 et 1948 avant de rentrer chez lui pour ouvrir une épicerie. Leur fille Della reprit le commerce et le déménagea de l’autre côté de la rue en 1985. Si vous traversez Shearstown aujourd’hui, le magasin Parsons est l’un des rares magasins restant de l’âge d’or de Shearstown. Il vous faudra vous y arrêter pour voir s’ils ont un coup de tonnerre.