Sutton au régime sec
Frontière et contrebande sont deux réalités indissociables. En effet, la tentation est forte d’aller chercher de l’autre côté de la frontière ce qui est interdit chez soi ou coûte moins cher. La contrebande d’alcool en période de prohibition est celle qui a laissé le plus de traces.
Au Canada, la pression des mouvements de tempérance a incité les politiciens à donner aux élus locaux le pouvoir d’interdire ou non l’alcool. À partir de 1860, le comté de Brome dont fait partie le canton de Sutton a plus souvent qu’autrement été un comté sec à la suite de plusieurs référendums dont certains à l’échelle nationale. Le Québec vote globalement contre la prohibition mais pas le comté de Brome.
L’interdiction de vendre de l’alcool n’est pas respectée par tous les hôteliers; certains préfèrent payer amende sur amende plutôt que de renoncer à ce commerce lucratif. Leur délinquance coûte cher aux contribuables en frais d’avocats, de huissiers, de cour.
Et ça joue parfois dur : en 1896, le chef de gare de Sutton Junction, William Smith, a été la cible d’une tentative de meurtre parce qu’il dénonçait ceux qui faisaient venir de l’alcool par train. Trois hôteliers de la région dont Marcus Jenne de l’Abercorn House et James Wilson de Glen Sutton sont arrêtés. Ils plaident coupable à une accusation réduite de voies de fait simples qui leur vaut un mois de prison au grand dam des prohibitionnistes. Quant à William Smith, il a été congédié par le Canadien Pacifique pour avoir ouvert des colis.