Excuses aux Canadiens japonaise – 22 septembre, 1988
[Homme en costume avec un petit écran derrière lui sur lequel apparaissent des Canadiens japonais portant leurs effets personnels avec le mot « Compensation » et une feuille d’érable au-dessus du mot]
Peter Mansbridge, animateur de télévision: Bonsoir, les Canadiens japonais se souviendront de ce jour comme du jour où le Canada a enfin pris des mesures pour réparer les torts commis à leur égard il y a quatre décennies. C’était pendant la Seconde Guerre mondiale, des milliers de personnes ont été détenues dans des camps d’internement simplement parce qu’elles étaient d’origine japonaise. Elles attendaient depuis lors la reconnaissance officielle de cette injustice et aujourd’hui, elles viennent de l’obtenir: des excuses de la part du premier ministre et une indemnisation pour leurs pertes. Pour les anciens internés, il s’agit d’un règlement qui guérit. Wendy Messley en direct d’Ottawa.
[Le premier ministre Brian Mulroney se lève et s’adresse à la Chambre des communes.]
Premier ministre Mulroney: Aujourd’hui, je parle au nom de tous les députés en présentant aux Canadiens d’origine japonaise des excuses officielles et sincères.
Wendy Messley: C’étaient les excuses que les Canadiens japonais attendaient depuis plus de 40 ans.
[Les membres du public à la tribune, parmi lesquels des Canadiens japonais, se lèvent et applaudissent.]
Messley : Dans la tribune, ils se sont levés et ont applaudi. Le dirigeant du NPD, Ed Broadbent, dont la famille de la première épouse avait été internée, a été submergé par l’émotion lorsqu’il a lu un extrait d’un roman sur la vie dans les camps.
[Ed Broadbent debout à la Chambre des communes, un livre à la main]
Ed Broadbent : Je ne peux pas supporter le souvenir. Il y a des cauchemars dont on ne peut se réveiller.
[Vieilles séquences vidéo de 1942 montrant des Canadiens japonais marchant près de trains ou dans des camps d’internement]
Messley: Voici le cauchemar : en 1942, plusieurs mois après l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais, 22 000 Canadiens japonais ont été envoyés dans des camps dans le nord de la Colombie-Britannique. Leurs maisons et leurs moyens de subsistance leur ont été arrachés, leurs familles ont été séparées. Aucun d’entre eux n’a été accusé d’un acte de déloyauté.
[Images d’hommes assis autour d’une table, d’enfants et de femmes en train de manger]
[Le premier ministre Brian Mulroney marche parmi la foule en serrant des mains.]
Mesley: Brian Mulroney avait promis la justice lors de la campagne électorale de 1984. Mais pendant quatre ans, son gouvernement a seulement présenté des excuses et alloué un fonds pour la communauté japonaise, mais pas d’argent pour les individus. Puis, le mois dernier, la Maison-Blanche a accordé une indemnisation aux Américains d’origine japonaise qui avaient été internés. Aujourd’hui, le gouvernement canadien a fait de même.
[Gros plan sur Gerry Weiner, ministre d’État au Multiculturalisme, lors d’une conférence de presse]
Weiner: Offrir un dédommagement symbolique de 21 000 $.
Mesley: Tous les survivants des camps, soit environ 13 000 personnes, auront droit à 21 000 $ chacun; les personnes condamnées pour avoir refusé d’aller dans les camps seront innocentées.
[Images d’hommes japonais des années 1940]
12 millions de dollars seront versés à un fonds pour la communauté japonaise; 24 millions supplémentaires serviront à créer une fondation canadienne des relations raciales, afin de veiller à ce que ce type de discrimination ne se reproduise plus jamais.
[Images d’enfants japonais lisant des livres et assis à des pupitres d’école dans les années 1940]
Le projet coûtera près de 300 millions de dollars et il arrive juste à temps pour le déclenchement des élections prévu cet automne.
[Art Miki, porte-parole de la National Association of Japanese Canadians, lors d’une conférence de presse]
Art Miki: Donc, si cela arrive aujourd’hui, je ne me sens pas coupable de savoir si nous sommes utilisés parce que c’est quelque chose pour lequel nous nous sommes battus.
[Les Canadiens japonais s’embrassent lors de la conférence de presse, les hommes politiques regardent et applaudissent, y compris le premier ministre Mulroney.]
Mesley: C’était une journée chargée d’émotion pour tous les participants, pour les Canadiens japonais et pour la classe politique.
[Art Miki s’adressant à la presse]
Miki: Aujourd’hui, nous vivons une étape historique, non seulement pour notre communauté mais aussi pour l’ensemble de la problématique des droits humains. Merci.
Mesley: Wendy Messley, CBC News, Ottawa.
[Une Canadienne japonaise âgée marche à l’extérieur.]
[Texte: Reportage : Karen Webb, CBC News, Vancouver]
Webb: Les camps d’internement sont des événements survenus il y a 40 ans mais Masui Takashira n’a jamais pu les oublier.
[Gros plan sur une main qui feuillette un album de photos, et sur des mains qui montrent des photos]
Elle et son mari ont perdu tout ce qu’ils avaient. Une entreprise, des biens, tout l’héritage de la famille.
[Photo en noir et blanc de quatre Canadiens japonais se tenant à l’extérieur d’un bâtiment]
Son mari est l’un des neuf mille internés qui sont morts avant de pouvoir voir ce jour, mais elle sait qu’il serait heureux.
[Gros plan sur Masui Takashira]
Takashira: Jusqu’à sa mort, il n’a jamais pu oublier, il lisait le document sur la table tous les jours et se souvenait tout ce qu’il avait perdu.
[Vidéo d’un homme japonais travaillant avec des livres et d’une femme assise à un bureau]
[Photo en noir et blanc de deux jeunes Canadiens japonais]
Webb: Les Canadiens japonais ont réagi de la même façon dans tout le pays. Pour Sisco Miki à Winnipeg, voir ses deux fils Art et Roy négocier cet accord avec le gouvernement fédéral est la meilleure manière dont ce cauchemar pouvait se terminer.
[Groupe de Canadiens japonais, adultes et enfants, debout dans un champ avec des outils agricoles]
[gros plan sur une femme, Sisko Miki]
Miki: Je suis tellement heureuse que mes enfants se soient battus pour cela.
[Vue d’une rue où des gens marchent dans le quartier chinois de Vancouver]
[Vues de différentes façades de magasins japonais à Vancouver]
Webb: La plupart des internés canadiens japonais vivent toujours en Colombie-Britannique, ils sont revenus dans cette région après avoir été libérés des camps et ont refait leur vie.
[Une Canadienne japonaise assise à une table lit un document et parle en japonais à un groupe de Japonais âgés.]
Webb: Ils disent que c’est ce qu’ils attendaient de la part du gouvernement. Le fait qu’on leur donne de l’argent est une reconnaissance que chacun d’entre eux s’est fait voler quelque chose. Les excuses signifient qu’ils peuvent être fiers de leur passé.
[Gros plan sur Tony Tamayose, ancien interné]
Tamayose: Nous étions si curieux de parler aux médias ou de parler à qui que ce soit de nous en tant que Japonais, ou personnes d’origine japonaise. Nous en avions honte, nous essayions de nous cacher et maintenant, je pense que nous en sommes fiers.
[Un Canadien japonais âgé assis à un bureau sur lequel il y a beaucoup de papiers]
Webb: Charles Kadota est l’un des premiers à s’être battu pour obtenir réparation. Il a toujours su qu’il n’était pas l’ennemi.
[Gros plan sur Charles Kadota, ancien interné]
Kadota: Nous vivons dans une démocratie. La question de la réparation n’était pas une question d’argent, c’était une question de justice, de droits humains, de citoyenneté.
[Gros plan sur Karen Webb, à l’extérieur]
Webb: Personne ici ne prétend que les 21 000 $ versés à chaque personne compenseront les millions qui ont été perdus ou que des excuses compenseront les sept années difficiles passées dans les Kootenays. Mais, d’après les internés, ils permettront de prouver à tout le monde que les Canadiens japonais ont toujours été de bons Canadiens. Karen Webb, CBC News, Vancouver.