Entretien avec Addie et Lynn Kobayashi
Lincoln Museum & Cultural Centre, vidéo par Erin Kelly, 2021.
[Vue de l’arrière du bâtiment du Musée et centre culturel de Lincoln]
[Addie Kobayashi marche à l’extérieur du musée et parle avec sa fille, Lynn Kobayashi. La vidéo montre deux femmes se tenant devant les tombes de Canadiens japonais, et Addie pose une feuille d’érable rouge sur l’une des pierres tombales.]
[Addie et Lynn sont assises à l’intérieur du Musée et centre culturel de Lincoln.]
Addie: Je m’appelle Addie Kobayashi, je suis canadienne japonaise. J’ai été internée pendant la Seconde Guerre mondiale.
[Photo d’Addie Kobayashi jeune femme avec deux de ses amis non japonais assis sur le bord d’un pont.]
[Addie tient un exemplaire de son livre et se tient devant un panneau d’exposition sur les Canadiens japonais à Lincoln.]
Addie: Je suis l’auteure de « Exils dans notre propre pays : les Canadiens japonais dans la région de Niagara », qui a été écrit en 1997.
Lynn: Je m’appelle Lynn Deutscher Kobayashi et je suis la fille d’Addie. Et je suis une Canadienne japonaise de troisième génération.
[Addie feuillette l’annuaire téléphonique qu’elle a participé à créer.]
[Addie et Lynn assises à l’intérieur du Musée et Centre Culturel de Lincoln]
Addie: Nous avons fait un annuaire de Niagara, un annuaire téléphonique, et à partir de là, on s’est dit : « Qu’est-ce qu’on fait avec ça? ». Et j’ai décidé d’écrire ce livre à l’aide des entretiens.
[Photographies en noir et blanc des parents d’Addie, de sa mère, d’un groupe de Canadiens japonais et d’un enfant assis sur l’herbe dans un verger]
[Addie et Lynn assises à l’intérieur du Musée et centre culturel de Lincoln]
Addie: Nous avons entrepris ce projet parce que nous ne voulions pas que l’histoire de l’installation des Canadiens japonais dans la région de Niagara se perde ou soit oubliée.
[Addie marchant dans un cimetière avec des pierres tombales de Canadiens japonais; une photo d’un avis concernant la confiscation de biens japonais; une photo d’une jeune femme et d’un enfant regardant par la fenêtre d’un train]
Addie: Nous avons également perdu nos terres, nos biens, nos possessions, et nous avons donc été confrontés à un racisme extrême en Colombie-Britannique. C’est difficile; notre histoire était… est basée sur le racisme. C’est ce qui est arrivé à beaucoup de personnes, pas seulement aux autochtones et pas seulement à nous.
[Addie et Lynn assises à l’intérieur du Musée et centre culturel de Lincoln; vidéo d’Addie regardant des panneaux au musée]
Addie: Les Canadiens japonais sont arrivés dès 1942. Ce sont les jeunes gens qui ont été envoyés à l’Est. Nombre d’entre eux sont passés par la région de Niagara et y ont travaillé pendant quelques semaines, quelques mois, voire quelques années.
[Images de Canadiens japonais que l’on fait monter dans des trains; image d’hommes travaillant dans un camp de travail]
Addie: Mais ce n’est qu’après la fin de la guerre… Et il restait beaucoup de familles dans les camps d’internement, surtout des familles nombreuses. Les vergers de la région de Niagara avaient besoin de travailleurs agricoles et ils n’avaient pas vraiment d’autre choix que d’être exilés dans le Niagara, notamment parce que les familles étaient nombreuses.
[Photographie de Ken Teshima et de sa sœur Ko à l’arrière d’un camion dont la plate-forme est recouverte de paniers de pêches]
[Lynn et Addie Kobayashi, et Jasmine Proteau marchant près de la maison Fry sur le terrain du musée]
Addie: On s’est rendu compte que l’histoire des Canadiens japonais était inconnue dans la péninsule. Les gens pensaient que les Canadiens japonais étaient des immigrants du Japon et ne savaient pas comment ils étaient arrivés ici après avoir été expulsés de Colombie-Britannique.
[Addie regardant les panneaux du musée]
[Pierres tombales montrant les noms des familles japonaises enterrées au cimetière Mount Osborne à Beamsville]
Addie: Ils étaient donc vraiment exilés et ont reçu un accueil hostile, mais la plupart des gens ne pensaient pas au racisme auquel ils avaient été confrontés à leur arrivée, car les choses s’étaient arrangées et ils ont été progressivement acceptés.
[Promenade dans l’enceinte du musée]
[Addie et Lynn assises à l’intérieur du Musée et centre culturel de Lincoln]
Addie: Avant, nous étions confrontés à un racisme extrême en Colombie-Britannique de la part du gouvernement, des gouvernements. Ce que cela nous rappelle, c’est qu’il semble que le Canada ait été construit sur le racisme.
[Drapeau canadien flottant dans la brise]
Addie: Les choses ont changé et certaines ne se reproduiront jamais, comme ce que nous avons vécu. Ils reconnaissent que le racisme a toujours existé au Canada et qu’il est encore présent. Je pense que ça va devenir un gros problème dans le futur si nous ne trouvons pas des réponses.
[Addie et Lynn parlant entre elles à l’extérieur du musée]
[Addie et Lynn assises à l’intérieur du Musée et centre culturel de Lincoln]
Lynn: Il y a toujours eu cette conscience que le racisme est quelque chose de mal, que ce soit contre les Asiatiques, les Canadiens japonais, les Canadiens noirs ou les Noirs américains, et je pense que ce que j’en ai retiré, c’est que je n’ai jamais eu l’impression de vouloir être blanche. Beaucoup de gens, des Canadiens japonais de mon âge, m’ont dit qu’ils auraient voulu être blancs, mais je n’ai jamais ressenti cela et je pense que c’est parce que mes parents et mes grands-parents pensaient « Cela ne va pas et il faut que ça change ».
[Photo des grands-parents de Lynn le jour de leur mariage]
[Addie et Lynn assises à l’intérieur du Musée et centre culturel de Lincoln]
Lynn: Je pense que ma mère a fait un très bon travail en introduisant lentement l’idée, car lorsque j’en ai entendu parler, ce n’était pas vraiment un choc.
[Vieille séquence vidéo de Canadiens japonais discutant de la réparation]
Lynn: Elle nous a raconté des détails, comme, vous savez, nous vivions dans ces villes fantômes, comme ils appelaient les camps d’internement à l’époque, et elle a parlé des cabanes en papier goudronné et de la façon dont on pouvait y voir la glace se former à l’intérieur. Mais en même temps, ils ne nous ont pas submergés d’informations. Petit à petit, nous avons pris conscience que ces villes fantômes étaient des camps d’internement. C’était donc très progressif, mais lorsqu’ils se sont impliqués dans le mouvement de réparation, nous avons commencé à comprendre la situation dans son ensemble.
[Photo de Canadiens japonais défilant avec des pancartes sur la colline du Parlement pour demander réparation. Le père de Lynn est au milieu, tenant une pancarte sur laquelle on peut lire « L’ennemi qui n’a jamais existé ».]
[Addie et Lynn assises à l’intérieur du Musée et centre culturel de Lincoln]
Addie: L’histoire de Hattie Tanouye n’est pas exceptionnelle, elle est semblable à celle de nombreuses femmes. Elle a dû s’occuper de trois enfants, s’occuper de ses beaux-parents, a été envoyée dans une ferme de betteraves à sucre en Alberta. Elle a fait un très grand sacrifice lorsqu’elle a dû laisser deux de ses trois enfants en Alberta avec les grands-parents.
Addie: Elle est arrivée dans la région de Niagara et a fini par devenir bénévole à St Catharines, où elle a remporté de nombreux prix. Ce qui m’a vraiment frappée, c’est sa force, et je me suis rendu compte que c’était une force que beaucoup de femmes avaient.
[Addie écoutant une station audio avec l’entretien relatant l’histoire de Ken Teshima]
[Photo d’une femme s’occupant de trois enfants canadiens japonais]
Addie: La force des femmes qui ont été déracinées, déplacées, ne savaient où elles allaient. Cela m’évoque quelque chose qui n’a peut-être pas été pleinement reconnu.
[Image d’une coupure de journal où l’on peut lire : « Toronto refuse d’accueillir les Japonais de la Colombie-Britannique »]
[Addie et Lynn assises à l’intérieur du Musée et centre culturel de Lincoln]
Addie: La vie était très, très difficile pendant ces événements. Les habitants de la région de Niagara – les non-Japonais – ont été très surpris de découvrir que les Canadiens japonais ne sont pas, nous ne sommes pas des immigrants, que nous ne venons pas du Japon et que la plupart d’entre eux étaient des citoyens canadiens. Ils ont également été surpris de découvrir la façon dont ils étaient traités et qu’il y avait un racisme très répandu au sein des conseils locaux, des entreprises et autres. C’était donc très surprenant pour eux. Ce genre de choses peut se produire au Canada, cela s’est produit au Canada. Heureusement, avec l’entente de redressement, nous espérons que cela ne se reproduira plus, mais cela a failli se produire. Oui, les gens reconnaissent que le Canada n’est pas parfait.
[Addie écoute une station audio avec l’entretien relatant l’histoire de Ken Teshima]
[Addie et Lynn assises à l’intérieur du Musée et centre culturel de Lincoln]
Lynn: Juste au moment où je pense que les Canadiens asiatiques avaient le sentiment de faire partie du Canada, la pandémie a fait ressortir ce racisme anti-asiatique de la même façon que les Canadiens japonais l’ont vécu : en reprochant aux Canadiens chinois l’arrivée du virus, en reprochant aux Canadiens chinois ce qui se passait en Chine. Je pense donc qu’il est important que les gens réalisent que ce genre de dynamique a existé au Canada et qu’elle est en train de réapparaître, et que le fait de le comprendre permettra, je l’espère, d’éviter que cela ne se reproduise avec l’ampleur que cela a pris pour les Canadiens japonais.
[Texte : Lincoln Museum & Cultural Centre: Home of the Jordan Historical Museum of the Twenty]