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12. L’évolution du transport scolaire à Magog

Se rendre à l’école à pied: pas toujours facile en hiver !

Deux enfants assis sur un traîneau tiré par un chien en hiver. En arrière-plan, une maison enneigée.

Négatif sur verre (s.d.) représentant probablement des enfants de la famille Merry se déplaçant avec leur traîneau à chien. Source: Société d’histoire de Magog, PR081 fonds famille Merry.

À Magog, au 19e siècle et lors de la première moitié du 20e siècle,  la méthode la plus commune pour se rendre à l’école était la marche. Toutefois, se rendre à l’école, qui pouvait se trouver à plusieurs kilomètres de la maison, pouvait s’avérer difficile en hiver, comme en témoigne Françoise Dezainde, ancienne élève d’un couvent à Omerville dans les années 1950: « Nous autres aussi on marchait à pied un mille. L’hiver [ce n’]était pas facile. Des fois la route n’était pas toujours ouverte. Fallait faire notre chemin. » Faire son chemin était d’ailleurs particulièrement éprouvant pour les filles, qui devaient obligatoirement  porter des collants.

Mme Françoise Dezainde sur la marche vers l’école en hiver

Route enneigée bordée d'arbre et de champs. Au loin, le Mont Orford.

Magog en hiver (1923), photographié par George Abbott. Source: Société d’histoire de Magog, PR044 fonds George Abbott\20.74.

Transcription (FR) 

C’est pourquoi certains élèves s’y rendaient en traîneau à chien. Une fois arrivés à l’école, comme l’explique l’historien Jacques Dorion, « [les enfants] dételaient la bête et l’attachaient dans un coin de la remise à bois [1]. » Comme la photographie ci-dessus le démontre, certains enfants de Magog avaient ce genre de traîneau. Il est donc plus que probable que certains d’entre eux en aient utilisé pour se rendre à l’école.

L’école et l’automobile

L’arrivée de l’automobile ne changea pas les habitudes des élèves, dont une vaste majorité continua de se rendre à l’école à pied quotidiennement. Toutefois, l’augmentation rapide du trafic automobile vint à représenter un risque nouveau pour les enfants durant les années trente, le nombre de véhicules automobiles immatriculés au Québec passant de 41 562 à 178 548 entre 1920 et 1930 [2]. Ces chiffres se reflètent d’ailleurs dans le nombre de véhicules présents dans les rues de Magog, comme en témoigne les photographies ci-dessous. Il suffit de les comparer pour se rendre compte à quel point un piéton traversant Magog ne le faisait pas avec la même liberté en 1941 qu’en 1922.

Rue Principale en 1922

La rue Principale à l’angle de la rue Merry en 1922. Source: Société d’histoire de Magog, PR044 fonds George Abbott.

Cinq automobiles circulent sur la rue principale

La rue Principale à l’angle de la rue Merry vers 1940-1941. Source: Société d’histoire de Magog, PR002 fonds Bibliothèque Memphrémagog\album 3\photo # 556.

En 1937, afin de faire face à la nouvelle réalité urbaine que représentait l’augmentation du trafic automobile, la commission scolaire et la municipalité inaugurèrent conjointement les premières équipes de brigadiers. Parmi les promoteurs de ce projet, le journal La Chronique de Magog permet d’identifier l’échevin Henry Chamberlin, qui aurait observé des brigadiers à l’oeuvre lors d’un voyage à Newport (Vermont) [3]. Si les choses s’étaient réalisées comme prévu, les brigades auraient été organisées de la manière suivante:

« les enfants seront divisés en sections d’environ 25 et auront à leur tête un chef qui portera le nom de brigadier. Ce dernier aura charge de faciliter la traversée des rues aux heures de rentrées et de sorties des classes. Il portera ceinture et insigne spéciales. Il pourra interrompre la circulation pour permettre aux jeunes de traverser les rues en toute sécurité [4]. »

La vitesse à laquelle circulaient les véhicules sur la rue Saint-Patrice, où étaient situées trois écoles, inquiétait particulièrement la communauté magogoise. Entre tous les véhicules, il semble que les camions de transports interurbains représentaient la plus grande menace, ceux-ci empruntant la rue Saint-Patrice afin d’éviter la rue Principale [5]. En fait, l’instauration des brigades était une mesure palliative, car la ville de Magog n’avait pas les moyens juridiques et financiers de contrôler la circulation automobile en 1937. Seul un constable provincial avait le pouvoir de mettre à l’amende un chauffard ou de lui retirer son permis de conduire. La police locale n’ayant pas ce pouvoir et la ville n’ayant pas les moyens de retenir les services d’un constable, les brigadiers représentèrent donc le moyen le plus efficace de protéger les écoliers magogois [6].

Les débuts du transport motorisé

La source la plus ancienne localisée jusqu’ici qui mentionne le transport scolaire motorisé date de l’année scolaire 1951-1952. C’est un texte d’une étudiante du Magog High School dénommée Ernestine Sheldon. Dans un album souvenir, elle publia un texte sur l’autobus qui la transporta quotidiennement entre Fitch Bay et Magog. À en croire son témoignage, force est de constater que l’autobus était en très mauvais état:

« The roof, punctuated with various sized holes, resembles and corresponds to an over grown sieve. […] Flat tires, lost hub-caps, bent fenders, weak shock-absorbers, broken bumpers, windows that won’t roo up when they’re down and won’t roll down when they are up are all minor details. »

Reste que malgré tout, ce véhicule en piètre état permettait à plusieurs enfants de fréquenter une école qui autrement aurait été inaccessible, la distance étant trop grande pour s’y rendre à pied.

l'histoire de la Green Hornet

«The Green Hornet», un texte écrit par l’étudiante Ernestine Sheldon en 1951-1952. Source: The Spirit of Magog High (1952) Collection Société d’histoire de Magog, Société d’histoire de Magog, Magog.

Les «autobus»

Malheureusement, il n’a pas été possible de retracer une photographie du Green Hornet dans les fonds de la Société d’histoire de Magog. Toutefois, il fut possible de localiser deux autres véhicules scolaires en service six ans après la publication du texte d’Ernestine Sheldon, soit lors de l’année scolaire 1958-1959. Comme il est possible de le constater, ces véhicules n’avaient pas été conçus pour le transport scolaire.

Camion de marque Ford, modèle F-350, plaqué de l'année 1958, identifié

Véhicule photographié en janvier 1959. Source: Société d’histoire de Magog, PR024 fonds Studio R.C.\série commerciale\172-001.

Camion identifié

Ce véhicule, photographié en février 1959, aurait appartenu à un certain M. Carrière. Source: Société d’histoire de Magog, PR024 fonds Studio R.C.\série commerciale\188-001.

En définitive, force est de constater que les débuts du transport scolaire motorisé ne se firent pas dans le plus grand luxe ! Néanmoins, plusieurs élèves devaient être bien contents de pouvoir éviter de marcher dans des chemins enneigés ou de profiter de la ballade pour réviser en vue d’un examen, comme le faisaient les passagers du Green Hornet en 1951-1952.


[1] Jacques Dorion, Les écoles de rang au Québec, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 1979, p. 264.

[2]  M.C. Urquhart et K.A.H. Buckley, Historical Statistics of Canada, p.550 cité dans Paul André Linteau, René Durocher et Jean-Claude Robert, Québec: a History  1867-1929, Toronto, James Lorimer and Company, Publishers, 1983, p. 346.

[3] Auteur inconnu (1937, 12 novembre), Le conseil approuve l’organisation de ces brigades de sécurité, La Chronique de Magog, p. 1.

[4] Ibid. 

[5] Rappelons que la route 112, qui passe par la rue Principale de Magog, était l’axe de communication automobile le plus utilisé afin de circuler entre Sherbrooke et Montréal jusqu’à la construction de l’autoroute 10 en 1964.

[6] Auteur inconnu (1937, 17 décembre), On dénonce, au conseil, les chauffards dans nos rues, La Chronique de Magog, p. 4.