Le métier de tailleur
Entrevue réalisée par Monique Provost-Chatigny
Montage par Gabriel Laprade
Toujours sur son fauteuil berçant brun, Marcel Charron nous parle avec émotions du métier de tailleur. À un certain moment, il sort de sa poche de chemise un couteau de tailleur en bois vert et le montre à la caméra. Il s’agit du couteau avec lequel son père exerçait son métier de tailleur.
Transcription:
Ceux qui travaillent dans chaussure là, dans le taillage qu’on appelait, les tailleurs… Ça prend un gars qui connait ça. Celui qui était le foreman, le patron du taillage, il fallait qu’il ait une certaine connaissance du cuir parce que, mettons qu’on faisait des souliers, c’était des lots de 15 paires, 30 paires. Pis là un moment donné, une fille, pour une raison ou pour une autre, fait une couture pis passe tout droit, bien là il y a un manque. Faque là faut aller refaire faire du cuir par les tailleurs, mais faut qu’il remette le même cuir, lui-là. Il y a des ballots de cuir, mais là, faut qu’il trouve (le bon) pour faire la paire pareille.
Pour aller à ces jobs-là, t’arrivais pas et ils te plaçaient pas là en rentrant. Jamais. Fallait que tu prennes de l’expérience. Ils te faisaient faire ce qu’on appelle des lots plus faciles. Il y avait moins de coupes à donner. Parce qu’il fallait faire les deux souliers pareils. Quand vous avez un soulier, il faut qu’il regarde s’il est plus large sur un bord que sur l’autre. C’était ça.
Ça c’était un couteau de tailleur, c’était le couteau à mon papa. Mon papa est décédé jeune. C’était avec ça qu’il taillait. Il y avait pas ce qu’on appelle des clickers à main. Un tailleur de cuir là, dans le temps, c’était un gars qui avait un peu de brain (cerveau), parce que justement, fallait toujours que les cuirs se ressemblent. Quand il taillait, les souliers, il faisait le côté gauche, faisait le côté droit, dans la même peau. Il y en avait peut-être bien 1000 ou 1500 peaux, des peaux de cuirs. On appelait ça des peaux. Et là si il en prenait une autre, la teinte pouvait… si c’était pas le même noir ou le même brun… Faque les gars qui taillaient ça eux autres, c’était des gars de métier. Quand t’étais tailleur, t’étais rendu dans les plus hauts !