Les sorciers de l’île d’Orléans
Collection privée
José, l’un des personnages du roman Les anciens Canadiens, écrit par Philippe Aubert de Gaspé et publié en 1863, raconte ainsi ce que son père aurait vu à l’île d’Orléans depuis la rive sud du fleuve : les sorciers.
Il lui sembla cependant tout à coup que l’île d’Orléans était tout en feu. Il saute un fossé, s’accote sur une clôture, ouvre de grands yeux, regarde, regarde… Il vit à la fin que des flammes dansaient le long de la grève, comme si tous les fi-follets du Canada, les damnés, s’y fussent donné rendez-vous pour tenir leur sabbat. À force de regarder, ses yeux, qui étaient pas mal troublés, s’éclaircirent, et il vit un drôle de spectacle : c’était comme des manières d’hommes, une curieuse engeance tout de même. Ça avait bin une tête grosse comme un demi-minot, affublée d’un bonnet pointu d’une aune de long, puis des bras, des jambes, des pieds et des mains armés de griffes, mais point de corps pour la peine d’en parler. Ils avaient, sauf votre respect, mes messieurs, le califourchon fendu jusqu’aux oreilles. Ça n’avait presque pas de chair : c’était quasiment tout en os, comme des esquelettes.