Notaires, archivistes du passé
Un siècle plus tard, trois générations suivent les traces de leur aïeul
Longtemps, le notariat a été accessible seulement aux hommes. À travers les époques, les notaires ont eu pour mandat de mettre par écrit et d’enregistrer toutes les transactions passées entre deux parties. Ces documents, ensuite bien archivés, sont devenus une source intarissable d’informations pour retracer l’histoire des individus et des nations.
Mais tous ne peuvent pratiquer la noble profession de notaire royal. En plus de savoir lire et écrire, le candidat doit remplir certaines conditions, la première étant d’avoir plus de 25 ans. Puis, il doit acquérir l’office d’un autre notaire, soit parce que ce dernier quitte la profession, soit parce qu’il meurt et que l’aspirant en hérite. Ensuite, le candidat doit recevoir une lettre de provision du roi et être approuvé par la communauté notariale de la ville, sans oublier qu’il doit avoir quelques connaissances du domaine après avoir été le clerc d’un autre notaire. Finalement, il doit subir une enquête de « bonnes vie et mœurs » et être un bon catholique! Les notaires royaux exécutent les tâches propres à leur profession (établir des contrats, des testaments ou autres documents auxquels on veut donner un caractère authentique), mais se distinguent des autres notaires (apostoliques et seigneuriaux) puisqu’ils sont nommés par le roi.
Au 19e siècle, quelques générations après Michel LePailleur, c’est au tour de son arrière-petit-fils François-Georges d’opter pour le métier de notaire. Après ses études au Collège de Montréal, il commence sa pratique à Boucherville, en 1807. C’est là qu’il prend sous son aile le jeune clerc Luc Vignau. En 1820, il établit son office à Châteauguay, où il vient d’emménager avec sa seconde épouse. Dans son bureau, en plus de recevoir plusieurs clients, il accueille deux nouveaux clercs : d’abord Marc-Antoine Primeau, puis le futur patriote Joseph-Narcisse Cardinal. François-Georges demeure à son poste de notaire de Châteauguay jusqu’à sa mort, en 1834.
Son fils Alfred-Narcisse décide d’embrasser la même fonction. Après ses études au Collège de Montréal, il entreprend son cléricat auprès du notaire Joseph-Augustin Labadie, vers 1848. Alors qu’il a 25 ans, il commence à pratiquer sa profession. En 1855, Alfred-Narcisse s’installe finalement dans l’ancien bureau de son père, après que sa mère lui a transféré le domaine familial. Il y exerce jusqu’au début des années 1890, moment où il déménage à Lachine.
Bien qu’il soit dans la soixantaine, il ne prend pas sa retraite. Il poursuit sa carrière, se bâtissant une nouvelle clientèle en plus de prendre soin de certains clients à Châteauguay, y faisant des allers-retours fréquents. Au cours de ses 67 ans de carrière, il signe environ 7 500 minutes de notaire.
Parmi ses enfants, aucun ne choisit officiellement de suivre ses traces professionnelles. Monseigneur Georges-Marie LePailleur, l’un de ses fils, devient toutefois notaire apostolique. Ce titre est octroyé à certains membres du clergé qui ont la responsabilité d’enregistrer les actes liés aux matières ecclésiastiques ou spirituelles (ex. : biens qui servent à financer les offices ecclésiastiques comme les évêchés et les cures). Ces hommes, nommés par un évêque ou un archevêque, ne se restreignent cependant pas toujours au domaine spirituel et empiètent parfois sur le rôle des notaires royaux.
Finalement, après ces trois générations, le notariat perd progressivement de l’intérêt chez les LePailleur, qui diversifient les professions qu’ils choisissent d’exercer. Il n’y a que Théophile Descarries, petit-fils d’Alfred-Narcisse, qui embrasse un métier lié au droit en devenant avocat.