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L’exil d’un LePailleur

François-Maurice tente de survivre aux conditions difficiles de sa déportation

Toile représentant le trois-mâts HMS Buffalo. Il est accosté. Deux petites embarcations sont près de lui et un village est en arrière-plan.

HMS Buffalo dans l’estuaire Mahurangi vers 1840, par l’artiste australien Paul Deacon.

 

À la suite des insurrections patriotes, plusieurs actions sont prises par le gouvernement britannique pour freiner les ardeurs des rebelles. En plus de procéder à l’emprisonnement de centaines d’hommes et de saisir leurs biens, on exécute 12 leaders par pendaison. D’autres, plus chanceux, voient leur peine de mort commuée en exil à vie en Australie qui, à cette époque, est une colonie britannique où se trouvent quelques camps pénitentiaires pour les criminels condamnés.

Photographie de François-Maurice LePailleur avec les cheveux blanc imprimée sur un papier journal jauni.

François-Maurice LePailleur, vers 1890.

Le 28 septembre 1839, ces 58 prisonniers patriotes embarquent à bord du HMS Buffalo pour un voyage qui durera 151 jours. Les conditions à bord sont difficiles. Les passagers sont mal nourris, la vermine est omniprésente, l’hygiène, presque absente, les permissions pour monter sur le pont sont rares et les espaces de vie sont surpeuplés.

Parmi les centaines d’hommes à bord se trouve François-Maurice LePailleur, fils du notaire châteauguois François-Georges. Puisqu’il a la chance de savoir lire et écrire, LePailleur met ses connaissances à profit tout au long de sa déportation, entre autres en tenant un journal qu’il commence dès le moment où il monte à bord du navire et termine à son retour d’exil.

Montage de 4 citations tirées du Journal d'un patriote exilé en Australie de F-M LePailleur.

Extraits du Journal d’un patriote exilé en Australie de F-M LePailleur.

 

Couverture bleu du livre Journal d'un patriote exilé en Autralie écrit par François-Maurice LePailleur entre 1839 et 1845.

Couverture du Journal d’un patriote exilé en Australie de F-M LePailleur.

Lors de son séjour en Australie, LePailleur participe aux corvées forcées imposées aux prisonniers. Avec le temps, les autorités locales réalisent que les prisonniers politiques que sont les patriotes ne constituent pas un risque pour la sécurité des résidents. Ils se voient alors donner plus de liberté et arrivent même à se trouver des emplois rémunérés.

LePailleur devient peintre en bâtiment, ce qui lui permet d’amasser un peu d’argent. Il occupe aussi d’autres petits emplois pour améliorer ses conditions. Puisqu’il sait lire et écrire, il est souvent sollicité par ses compagnons qui veulent correspondre avec leurs proches, en espérant qu’ils recevront leurs lettres. Les résidents des environs font également appel aux services de LePailleur pour rédiger divers documents. Le pécule qu’il accumule grâce à ces menus travaux est mis de côté dans l’espoir de pouvoir payer son billet de retour, ce qu’il fait finalement le 8 juillet 1844.

Photographie imprimée sur papier journal du patriote François-Xavier Prieur.

François-Xavier Prieur (1814-1891).

Après un passage par Londres et New York, LePailleur et 27 de ses compagnons d’aventures arrivent enfin au Bas-Canada, qui est maintenant le Canada-Est dans le Canada-Uni. Certains exilés, dont son ami F.-X. Prieur, devront attendre encore un peu avant d’effectuer la traversée.

Le pays que LePailleur a connu a bien changé pendant son absence. À la suite de son implication dans les rébellions, il a tout perdu et doit donc réapprendre à vivre en cette terre méconnue et renouer avec ses proches, dont ses deux fils qui ont maintenant 8 et 12 ans. Lors de son exil forcé, c’est sa femme, Domitilde, qui a dû subvenir aux besoins de leurs enfants et survivre aux conditions difficiles imposées aux familles des condamnés. À son retour, François-Maurice reprendra son métier d’huissier, puis s’établira avec sa famille chez de la parenté, à Montréal. Après plusieurs années à peiner pour reconstruire sa vie, sa chère Domitilde meurt à l’âge de 49 ans. Il décide alors de marier la veuve de son meilleur ami et beau-frère, Joseph-Narcisse Cardinal, qui a été exécuté 18 ans plus tôt.

François-Maurice ne l’aura jamais su, mais son sacrifice et celui de ses compagnons ont contribué à établir la démocratie canadienne que l’on connaît aujourd’hui.