L’après-guerre : langue et culture
La transition a été plus facile pour ceux qui ont déménagé des pays européens à Kirkland Lake, car bon nombre de ces cultures étaient déjà présentes dans la communauté depuis la génération précédente de colons des années 20 et 30. L’on trouvait des clubs et des salles sociales, des églises et une langue commune pour aider les nouveaux Canadiens à s’adapter.
L’anglais comme deuxième langue était enseigné aux adultes qui travaillaient, sous forme de cours du soir à l’école secondaire locale. Les enfants, toujours capables de s’adapter, apprenaient leur langue d’adoption autant dans la rue avec leurs amis et dans les salles de cinéma qu’à l’école.
Les femmes au foyer étaient parfois désavantagées lorsqu’il s’agissait d’apprendre l’anglais. Contrairement à leurs maris et à leurs enfants, elles n’étaient pas toujours en contact régulier avec des personnes parlant la langue locale.
Tradition et adaptation
Les groupes religieux, la synagogue et les clubs établis par la génération précédente ont aidé les nouveaux immigrants, mais ont également préservé leur langue et leurs traditions culturelles pour les enfants qui ont grandi à Kirkland Lake.
Cette deuxième génération d’enfants parlait principalement l’anglais, et apprenait la langue ainsi que les coutumes de leurs parents à la maison ou dans des classes spéciales après l’école.
Une personne a parlé de l’expérience qu’elle a vécue en grandissant à Kirkland Lake à la fin des années 50 :
« Il était parfois difficile de trouver quelqu’un avec qui jouer après l’école parce que beaucoup de mes amis devaient suivre des cours de culture organisés par leurs parents.
Par exemple, les lundis et les mercredis, mes amis ukrainiens étaient au sous-sol de l’église ukrainienne pour suivre des cours d’ukrainien. Les mardis et les jeudis, mes amis polonais étaient à l’église polonaise pour suivre leurs cours, apprendre leur langue et leurs coutumes. Il en était de même pour mes amis finlandais, français, italiens et juifs.
Kirkland Lake était presque semblable à Toronto où ils ont leurs quartiers tels que Greektown, Chinatown, etc., mais ici à Kirkland Lake ce n’était pas des quartiers entiers, mais des rues.
Beaucoup d’enfants italiens vivaient sur McKelvie Street, les enfants français sur Hudson Bay Avenue, et les enfants polonais sur Woods Street. Vous voyez ce que je veux dire. Les personnes gravitent toujours autour de l’endroit où les autres parlent leur langue et les comprennent, c’était comme ça dans les petites villes. Vivre dans une petite ville, c’était comme vivre dans une petite Organisation des Nations Unies. »
Le style de vie de Kirkland Lake
Ces leçons culturelles se poursuivront dans les années 60 et seront une façon pour les parents d’encourager leurs enfants à maintenir leur patrimoine tout en s’intégrant à un « style de vie canadien ». La définition de ce style de vie canadien a changé au fil des décennies, mais il s’agit généralement d’une combinaison des valeurs des colons britanniques et français, avec une forte dose d’influence américaine, et des éléments uniques provenant d’autres peuples.
Le « style de vie de Kirkland Lake » a peut-être été basé sur cette idée à la naissance de la ville, mais au fur et à mesure que la ville s’est développée au fil des décennies, elle est devenue un mélange distinct de creuset des civilisations et de multiculturalisme, le tout avec une touche distincte du nord de l’Ontario.
Les expériences de Vivien Spiegelman à Kirkland Lake et à l’école secondaire locale du Kirkland Lake Collegiate and Vocational Institute (KLCVI) ont façonné ses opinions :
« Je pense que nous avons inventé le multiculturalisme à Kirkland Lake. Pour ceux d’entre nous qui ont grandi durant la période après-guerre et atteint leur majorité à la fin des années 50, il y avait une saine curiosité à l’égard de la multitude de pratiques religieuses qui se propageait à Kirkland Lake et de l’infinie variété d’origines ethniques que nous découvrions, principalement à travers notre estomac.
Peut-être nos parents nourrissaient-ils des préjugés, mais au sein du [KLCVI], il n’y avait pas de place pour une telle discrimination. Les aspects superficiels du lieu et de la personne où l’on est né n’avaient pas d’importance. Ce qui comptait vraiment, c’était le caractère et le genre d’ami que vous étiez. »
Vivien pensait que de nombreux membres de sa génération préféraient le concept de « creuset des civilisations inclusif » parce que c’est le genre d’environnement dans lequel nous avons grandi et dans lequel nous nous sentions très « canadiens ».
Cette acceptation désinvolte de la diversité et le fait de ne pas la laisser affecter la façon dont les élèves interagissaient entre eux, ou même entre voisins, étaient considérés par beaucoup comme la norme à suivre au sein de la communauté.
Cette façon de penser était dans l’air du temps. Les années 60 ont été une période de changement social bien au-delà des frontières de Kirkland Lake, mais l’impact qu’elles ont eu sur les habitants a probablement été ressenti le plus fortement par les jeunes. Certains de ces enfants et adolescents étaient des immigrants récents venus au Canada avec leurs parents, mais beaucoup étaient des Canadiens de deuxième génération.