Gérald Morel – La grève
Entrevue de M. Gérald Morel : Stéphane Tessier. Réalisation et prise de vue pour la vidéo : Nicolas St-Germain.
Stéphane Tessier (ST), historien et animateur, discute avec M. Gérald Morel (GM) qui a grandi sur l’île de la Visitation. La discussion a été enregistrée à la maison du Pressoir. C’est d’abord M. Morel qui apparaît à l’écran. Il nous parle du sifflet au sommet de la cheminée de l’usine qui rythmait les heures du village ainsi que de l’évolution des bâtiments de l’entreprise. Une vue aérienne de 1947 nous démontre que le village du Sault-au-Récollet était relativement isolé du reste de Montréal. Nous voyons des images d’archives de l’usine et une vue récente de la structure d’acier qui évoque la cheminée disparue. La conversation se termine avec M. Morel qui évoque son souvenir d’une discussion sur la digue entre M. Oberlander et ses employés en grève. Il décrit le va-et-vient entre les deux parties, et ceux du curé Falardeau dont les efforts auraient facilité la fin de la grève.
GM T’es au Sault-au-Récollet, tu es complètement coupé de la ville de Montréal.
Les carrières de Miron et les champs. Y’a deux rues qui passent, là. Y’a Papineau : c’est assez étroit, merci, là. Une voie de chaque côté. Après, tu t’en vas à Lajeunesse.
Fait que c’était un monde complètement à part.
[Au sujet de l’usine] Ça marquait totalement la vie du village. Ne serait-ce que par le bruit des sirènes qui marquait les quarts de travail, les heures de dîner.
Je pense que les sirènes du moulin marquaient plus que les cloches de l’église. En tout cas, c’étaient les mêmes heures ou à peu près, là. Et ça marquait beaucoup.
ST C’était un sifflet? C’était un…?
GM C’était vraiment un sifflet qui sortait du haut de… Aujourd’hui, vous avez une belle tour en métal, là, qui avait une haute cheminée en briques à cet endroit-là, qui était la chaufferie.
Puis avec la chaufferie, on était capable de souffler fort.
ST T’as connu aussi le patron, monsieur Fred Oberlander?
GM J’ai connu Fred Oberlander, oui.
ST C’est quelle impression qu’il donnait? Qu’est-ce que t’as connu de lui?
GM C’était un homme… qui marquait son autorité sur ses employés. Qui savait, par contre, ce qu’il faisait. Puis je pense qu’il dirigeait très bien. Et je le dis parce que le village a bien vécu, longtemps, 300 employés. La plupart du Sault-au-Récollet ou tout au plus, élargi.
Vraiment le secteur, ici, du Sault-au-Récollet, tout court. Et il a permis à ce monde-là de gagner leur vie dans leur village.
GM [Parlant d’une scène de conflit de travail] Moi, je me souviens d’une grève, parce que j’ai vu Oberlander avec ses dirigeants, c’était monsieur Millé, qui étaient d’un côté.
J’ai vu les ouvriers derrière monsieur Pelletier, qui était, entre guillemets, le « président du syndicat ». Et le curé, Abraham Falardeau, de la paroisse ici, de la paroisse de la Visitation, qui jasait avec Pelletier, qui allait jaser avec Oberlander, qui revenait. Et derrière Pelletier, y’a des centaines de personnes, là. Tous les employés sont là, je dirais. Je les ai pas comptés, mais c’est frappant de voir une masse de monde comme ça qui était là.
La fin? L’image que j’en ai et c’est l’image réelle, Oberlander et le curé Falardeau se donnent la main. Et… les employés applaudissent.
Ç’aurait été la fin de la grève, mais j’ai pas, moi, tous les détails. J’ai 4 ans et demi. Mais je vois l’image, là.