Jacques Paquette – Coupeur de glace
Entrevue de M. Jacques Paquette en présence de Jean-Louis Legault : Stéphane Tessier. Collection de la SHAC, Fonds Cité historia (circa 2001).
Dans une entrevue enregistrée vers 2001, Stéphane Tessier (ST), historien et animateur, discute avec M. Jacques Paquette (JPa) des différents aspects de la vente de la glace. Jean-Louis-Legault, à la droite de l’écran, assiste à leur conversation. Il y est question de la coupe de blocs de glace en hiver dans la rivière des Prairies, de leur conservation dans un bâtiment appelé glacière puis de la livraison de la glace aux clients.
JPa [vidéo d’archive] Mon père a commencé à vendre de la glace, je crois que c’est en 1938-39. J’étais jeune…
ST Il s’appelait comment? Eugène Gendron?
JPa Mon père? Non, Herménégilde Paquette.
Alors, Herménégilde Paquette, il était un jeune homme de l’île, qui a travaillé pour monsieur Gendron. Y’a marié la plus vieille des filles, pis y’a vendu de la glace pour lui. Pis un moment donné, il a parti lui-même son commerce.
Pour couper la glace, c’était énorme, parce que si tu manques ton coup, tu perds ta glace. Tu perds ton profit. Puis la glace se vendait 10 cennes dans le temps.
ST Comment qu’on coupait ça, justement?
JPa Avec une hache à glace, qui ressemble à une hache de pompier. Avec un pic pour renverser les blocs. On renversait les blocs pour pas les casser sur des vieux pneus. Puis ils rebondissaient un peu, ils se cassaient pas.
Après ça, c’était des « notchs ». On appelle ça faire des « notchs », faire des creux dans la glace d’une façon systématique, un en face de l’autre. Et fallait arriver à faire en sorte qu’on entende la glace. Et c’était comme de la faïence ça cassait droit, si t’avais le tour.
Sinon, là tu venais de perdre ton profit. Tu pouvais plus vendre un morceau cassé. Tu vendais de la scrap la moitié prix. Tu venais de manger ton profit.
Alors, c’était pas facile d’avoir des bons coupeurs de glace.
Quand commençait la saison d’été, il fallait que… Il fallait que des hommes passent la journée dans la glacière pour « lousser » la glace. Parce que durant l’hiver, la glace ça se prend dans un pain.
Et ils sont tous entrés là, tassés, collés. Puis y reste toujours une condensation, une petite fonte. Tsé, c’est pas étanche au point que y’a pas de chaleur. Mais juste le fait qu’il y a un petit courant d’air, ça fait que tout se prend dans un pain. Toute la glace dans un pain! T’es pas capable d’aller sortir un bloc.
Il faut que tu « lousses » ton bloc.
ST « Lousser », c’était quoi ça?
JPa Lousser, c’était de dégager et de sortir tel qu’il était.
ST Tu fais ça comment?
JPa C’est ça. C’est ça un métier. Un gars… Faut que ça apprenne. Et c’est pas n’importe qui qui pouvait faire ça.
Alors les gars passaient la journée, dans cette glacière-là, pour « lousser » la glace, pour sortir la glace, couper la glace en morceaux, la descendre dans un « skid » pour charger les voitures. Parce que à 50 pieds de haut, tu vas pas aller chercher ton bloc toi-même. Faut qu’il descende en une « slice » là.
Il descend pas rapidement comme ça. Fait qu’il fait un détour, il tourne. Il arrive en bas, le gars l’accroche. Puis les gars en haut, faut pas qu’ils aillent trop vite.
Moi, petit gars, je partais de la maison où je demeure, parce qu’on restait là. Puis, j’allais voir ça.