La pointe de flèche
Entrevue d’Yvon Gagnon, président de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville : Stéphane Tessier. Réalisation et prise de vue pour la vidéo : Nicolas St-Germain.
Yvon Gagnon (YG), président de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville, nous explique la découverte d’une très ancienne pointe de flèche lors des travaux de réfection du parvis de l’église de la Visitation. Il nous parle ensuite de l’intense émotion qu’il a éprouvée lorsqu’il a eu le bonheur de la tenir dans ses mains. Ses propos ont été enregistrés sur la terrasse à l’étage du pavillon d’accueil du Parcours Gouin.
YG J’aimerais vous faire part d’une expérience que j’ai vécue voilà quelques années, au sujet d’un objet archéologique.
Nous sommes en 1995, et l’église de la Visitation décide de refaire le parvis. Au moment de l’excavation, les travailleurs se sont rendu compte, en fait, dans les débris excavés, qu’il y avait un objet qui ressemblait étrangement à une pointe de flèche.
La Fabrique a décidé de faire venir des archéologues professionnels, pour analyser l’authenticité de cet objet.
À notre grande surprise, ils nous ont dit que cet objet était effectivement une pointe de projectile autochtone, et qui remonterait autour de 4 000 ans.
À partir de 1996, nous perdons la trace de cet objet.
Ce n’est finalement qu’en 2019 que Jocelyn Duff, un membre de la Société d’histoire, a fait des recherches sur Internet afin de tenter de retrouver la trace de ce projectile.
Finalement, à notre plus grand bonheur, cet objet était conservé au Centre de conservation du Québec, à Québec.
Danielle Daigle, alors co-présidente de la Société d’histoire, Jocelyn Duff et moi, nous nous sommes rendus à Québec pour voir cet objet. Nous avons eu la chance inouïe de pouvoir « voir » cette pointe de projectile, en fait.
Et une faveur immense que les archéologues m’ont faite, j’ai pu prendre cette pointe de flèche là, la prendre dans ma main. L’émotion que ça m’a causée est vraiment indescriptible. Le fait d’avoir un objet taillé par l’homme qui remonte à 4 000 ans fut quelque chose de complètement bouleversant qui me restera en mémoire pour longtemps.
(musique)
[observations des archéologues]
Le terrain de l’église prend place en un lieu naturel privilégié, face aux rapides désignés « Sault-au-Récollet » pour honorer la mémoire du père Nicolas Viel et d’un jeune disciple surnommé « Auhaitsic » qui y périrent noyés en 1625. La planéité du relief, la qualité des dépôts meubles et la proximité d’un cours d’eau majeur font de cet emplacement une zone à très fort potentiel archéologique préhistorique, conclusion à laquelle une étude antérieure (Arkéos inc., 1995) est déjà arrivée.
Il serait en effet fort étonnant que les Amérindiens n’aient pas profité du lieu avant l’arrivée des Européens et la découverte d’un foyer et d’une pointe de projectile confirme cette impression. Plusieurs indices permettent de croire que l’objet […] représente la plus ancienne manifestation connue d’une présence humaine sur l’île de Montréal et sa datation (4450 à 3650 A.A.) précède de plus d’un millénaire la fondation de Rome.
Source : Inventaire et supervision archéologiques. Réfection du parvis. Site BjFj-85. Arkéos, 1996.