Jesse Winchester, un expatrié américain au New Penelope
En réponse à la guerre du Viêtnam, au milieu des années 1960, le gouvernement américain augmente le nombre de jeunes gens enrôlés dans les forces armées. Cette mesure suscite la résistance de nombreux jeunes Américains pacifistes. Certains s’expatrient au Canada pour échapper à la conscription.
Écoutez Richard King, un ami de Gary, parler de sa participation à l’époque à une manifestation pour la paix, à Montréal :
Écoutez l’extrait audio avec la transcription : « Manifestation anti-guerre à Montréal ».
Joseph Glazner, un ancien draft-dodger, ou déserteur, américain impliqué dans le magazine Logos (et ancien voisin de Jesse Winchester), décrit son arrivée à Montréal, dans les années 1960 :
Écoutez l’extrait audio avec la transcription : « Joseph Glazner et son expérience comme déserteur américain à Montréal ».
Cette vague de déserteurs américains amène avec elle plusieurs artistes et musiciens. Ils trouvent dans les café-bars dynamiques de Montréal un second chez-soi, où ils peuvent aussi gagner leur vie en se produisant. Ils se retrouvent ainsi au sein d’une communauté de personnes partageant les mêmes intérêts et le même style de vie. En outre, de nombreux café-bars sont anglophones. Cela facilite l’immigration d’Américains anglophones vers le Québec, principalement francophone.
Ces jeunes enrichissent la scène culturelle montréalaise de leurs influences musicales américaines, favorisant l’exposition des locaux à de la musique nouvelle. Écoutez Paul Kirby, rédacteur en chef et fondateur du magazine Logos témoigner du rôle des déserteurs américains dans la contre-culture montréalaise, et notamment de leur implication dans le magazine Logos :
Écoutez l’extrait audio avec la transcription : « Paul Kirby au sujet des déserteurs américains et la revue Logos ».
Le New Penelope et ses incarnations précédentes servent de scène à plusieurs de ces musiciens expatriés. Le plus connu d’entre eux est Jesse Winchester, qui débarque à Montréal en 1967. Gary Eisenkraft reconnaît rapidement son talent lors d’une audition au New Penelope de la rue Sherbrooke. Sans hésiter, il offre à Jesse de faire la première partie de tous les concerts au New Penelope.
Écoutez Allan Youster, ancien portier du New Penelope sur la rue Sherbrooke, décrire cette fameuse audition de Jesse Winchester :
Écoutez l’extrait audio avec la transcription : « Jesse Winchester auditionne ».
L’autre groupe en résidence du Penelope était Jesse Winchester. J’ai eu la chance d’être là. Il arrive avec son étui à guitare. Gary est là. C’était une audition. Il monte sur scène, il a son bel ampli Fender blanc à réverbération. Il joue Yankee Lady, Black Dog, et j’ai oublié la troisième chanson. Gary lui dit : « Chaque fois que personne ne joue ici, tu joues ici. Chaque fois que quelqu’un joue ici, tu fais l’ouverture. » (…) À chaque fois qu’il jouait, il interprétait une nouvelle chanson qu’il avait écrite. Il était tout simplement incroyable, et c’est pourquoi il assurait toujours la première partie.
– Allan Youster, ancien portier du New Penelope (entretien avec ARCMTL, juillet 2015)
Comme beaucoup d’expatriés américains, Jesse vit à Montréal pendant plusieurs années. Pendant cette période, il enregistre des albums à Montréal et à Toronto. S’il était encore inconnu en 1967, trois années passées à jouer dans les clubs folk de Montréal et au New Penelope ont considérablement accru sa visibilité. Lorsqu’il retourne aux États-Unis dans les années 1970, il est déjà un musicien reconnu.
Nous avions l’habitude d’avoir Jesse Winchester là-bas, jouant entre les représentations pour cinq dollars par soir, et il s’avère que nous sommes nés le même jour, mais nous allions souvent célébrer nos anniversaires au « Swiss Hut ».
– Mike Bunting, fan du New Penelope et ancien employé (entretien avec ARCMTL, 30 avril 2021)
Jesse Winchester, chanteur américain jouant actuellement au New Penelope jusqu’à samedi, est probablement le meilleur nouveau venu sur la scène depuis l’époque où commençait Bob Dylan.
– Juan Rodriguez, « Jesse Winchester at The New Penelope », The Gazette, 24 juillet 1968
Il est évident que la guerre du Viêtnam fait profiter Montréal, en y attirant tant de jeunes gens talentueux. En retour, leur propre développement professionnel bénéficie également de leur participation à la scène artistique effervescente de Montréal.