Joseph Glazner et son expérience comme déserteur américain à Montréal
Image : Couverture de The Georgian, vol. 32, no 13, octobre 1968
Transcription : The Georgian / Rassemblement contre la guerre au Vietnam / Samedi, midi au square Phillip’s / Voir page 10
Crédit : Collection ARCMTL. Entretien réalisé à Montréal le 20 mai 2021 avec Joseph Glazner par Louis Rastelli, directeur d’ARCMTL.
Durée : 4:02 min
On entend ici Joseph Glazner, auteur, parler de sa décision de déménager au Canada pour éviter la conscription aux États-Unis en 1967. Il mentionne également avoir été voisin de quartier de Jesse Winchester dans le Village du Carré Saint-Louis.
Transcription :
Joseph Glazner : J’avais cette idée romantique de Montréal comme étant – En fait, j’ai traversé le pays en auto-stop et j’ai eu un lift à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, en ’65, et le type était un inséminateur artificiel qui retournait dans le Vermont pour recueillir sa famille et ses outils et retourner en Arizona, et il passait par Montréal. Il m’a donc déposé à Montréal. Tu sais, je me suis promené quelques heures à Montréal et j’ai décidé, hé, c’était un endroit plutôt sympa. Et il y avait tout un romantisme autour de la ville. J’ai donc décroché dès mes premières semaines à [l’Université] UCLA et c’était tout !
Je veux dire, je n’ai pas été conscrit avant d’arriver au Canada, mais je me suis dit que je ne voulais plus faire partie de tout ça et que je ne voulais plus regarder sans cesse par-dessus mon épaule. C’est juste pas – Et apparemment, d’après ce que je sais, je suis arrivé environ une semaine avant Jesse Winchester et il vivait sur Aylmer aussi (rires), un peu plus haut que moi. Nous nous sommes donc retrouvés non seulement en même temps, mais sur la même rue. Et si tu montais vers le haut d’Aylmer, c’est là que se trouvait le Yellow Door.
Louis Rastelli : Oui, c’est toujours le cas !
Joseph Glazner : Oui. Nous étions tous les deux sur… Sherbrooke et quelle est la prochaine rue au-dessus ? C’est –
Louis Rastelli : Milton ?
Joseph Glazner : C’est Prince-Arthur ?
Louis Rastelli : Prince-Arthur, oui, oui.
Joseph Glazner : Oui ! Nous étions tous les deux dans ce petit bloc de rues, entre Prince-Arthur et Sherbrooke.
(…)
Je suis arrivé, je crois que c’était [inaudible], je crois que c’était cinq ou dix jours après la fermeture de l’Expo, et c’était une période vraiment étrange parce qu’il y avait eu tellement d’argent qui avait été déversée sur Montréal et puis c’était comme si c’était fini, et c’était devenu en quelque sorte le rang de la désolation. Vous savez, l’argent s’était envolé. Il y avait beaucoup de désespoir parmi les gens qui avaient gagné de l’argent pendant cette période – et soudain, il n’y en avait plus. Et, étrangement, Montréal était vraiment intéressante et cool à cause de cela, vous savez. C’était… C’était…
J’ai trouvé que – et je n’ai passé que peu de temps à San Francisco – mais je dirais que ce qui se rapprochait le plus de Montréal dans les années 60, c’était San Francisco. Ce n’était pas New York, ni L.A. (Los Angeles). C’était un peu comme San Francisco… Un peu à l’écart, mais très branché.
(…)
Vous pouviez littéralement vivre sans rien, car le logement ne représentait qu’une infime partie de tout ce dont vous aviez besoin, si vous étiez prêt à choisir ces vieux logements. Et partout dans ce secteur-là, vous pouviez louer un endroit pour 40 ou 50 dollars, selon ce que vous vouliez, vous pouviez obtenir un petit appartement. Et le mien était énorme ! Je veux dire, je vous le dis, trois chambres à coucher ; c’était tout l’appartement, c’était tout le dernier étage d’une de ces grandes maisons familiales ! Il y avait une famille portugaise en-dessous de moi et vous savez, je ne les ai jamais vus ! J’avais littéralement trois chambres à coucher et une grande cuisine et une grande salle de bain. Le sol était tellement penché que si vous mettiez quelque chose qui avait la capacité de rouler à un bout, ça se rendait tout seul à l’autre bout de la pièce ! (rires)