Les origines du New Penelope : Les premiers pas d’un visionnaire
Le Fifth Dimension
De retour à Montréal après son voyage à travers les États-Unis, Gary Eisenkraft, âgé de 19 ans, décroche un emploi au Fifth Dimension (Cinquième dimension), un petit café de la rue Bleury. Il y travaille avec Mike Nemeroff, qui écrira plus tard plusieurs critiques de concerts dans les journaux étudiants. Gary aide les propriétaires à maintenir l’établissement à flot et organise leur Hootenanny night. Les Hootenannies sont des concerts informels de musique, proposant un micro-ouvert, formule typique des café-bars. Des chanteurs folk et des musiciens s’y produisaient souvent de manière improvisée, par pur plaisir.
Les gars qui avaient le Fifth Dimension sont Stan Garfield et Morty Gollub. Ils ont aussi ces deux autres gars dans la place qui les aident supposément. Leurs noms sont Mike Nemeroff et Gary Eisenkraft. Gary a une barbe et il ressemble à un de ces gars qu’on voit tout le temps à Greenwich Village. Ils ont ces affaires de Hootenannies ici tous l’lundis soirs et tout l’monde peut faire du boucan avec Gary qui est, j’imagine que tu peux l’appeler, le chef des Hootenannies.[sic]
― Maurie Alioff, « The 5th Dimension », The Georgian, vol. 27, no 13, 4 février 1964
Le Fifth Amendment
C’est en cette même année 1964 que le jeune Gary Eisenkraft commence son aventure d’entrepreneur. À seulement 19 ans, il reprend les rênes du Fifth Dimension où il avait débuté comme simple employé.
Remis à neuf et rebaptisé le Fifth Amendment (Cinquième amendement), l’endroit était prêt à se mettre en branle ! En quelques coups de fil, Gary réussit à ajouter Montréal au circuit de tournée de quelques musiciens folk et blues de renom, dont le révérend Gary Davis, Mike Seeger, John Hammond, Taj Mahal et Eric Andersen.
Cela fait le bonheur d’une élite de jeunes connaisseurs de musique à Montréal qui vénéraient ces musiciens.
J’avais le sentiment d’avoir une « destinée manifeste », celle d’amener la musique à Montréal. C’était ringard, mais j’y croyais. (…) J’étais encore un enfant quand j’ai ouvert le Fifth Amendment. (…) Je n’avais que 17 ans et je ne connaissais rien au monde des affaires. À l’époque, la seule chose qui comptait, c’était la musique : faire entrer de la bonne musique à Montréal. Je ne me souciais pas des factures, des baux, des dettes – ils s’accumulaient et je me disais au diable tout ça – tant que la musique faisait son chemin.
― Gary Eisenkraft (entretien pour le journal The Gazette, 14 septembre 1974) (traduction libre à partir du texte original en anglais)
Gary Eisenkraft a également perpétué la tradition des Hootenannies au Fifth Amendment. Il a même diversifié la programmation pour y inclure des concerts, des projections de films, des lectures de poésie, des numéros littéraires et dramatiques, de la musique classique jouée en direct et bien plus encore. Cela réinventait le modèle traditionnel des café-bars, en offrant bien plus qu’un simple café. Tout pour divertir la galerie !
Malgré tout, l’espace étant trop petit pour être rentable, le Fifth Amendment ferme ses portes à peine cinq mois plus tard. Sans se décourager, Gary convainc le propriétaire du très branché Café Prag, sur la rue Bishop, d’ouvrir un nouveau café à la porte d’à côté. Il le baptise The Penelope, en référence à la déesse de la chasteté, dont l’effigie illustrera plusieurs de ses affiches de concert. L’aventure du Penelope commence !
Le Penelope
Le café Penelope était un petit local faiblement éclairé au niveau du sous-sol, pouvant accueillir de 55 à 70 personnes lors des représentations. Il y avait un véritable engouement de la part des jeunes adolescents et adultes branchés de l’époque envers la musique que Gary y promouvait.
J’ai ouvert ce lieu parce que je me suis dit que les adolescents d’ici n’avaient nulle part où aller. Ils sont bousculés et maltraités lorsqu’ils sortent, mais ici, nous les traitons avec respect…
― Gary Eisenkraft à propos du Penelope (entretien pour le journal The Gazette, 9 octobre 1965)
Victime de son succès, les longues files d’attente dans la rue attiraient l’attention de la police. Le Penelope faisait l’objet de descentes de police répétées, ce qui contraint Gary de déménager à nouveau après seulement six mois. Il en fut de même pour de nombreux autres lieux qui constituaient le paysage en constante évolution de la rue Stanley à Montréal. Malgré tout, jamais découragé, Gary mijotait déjà son prochain projet…