Une menace pour le monde « civilisé »
La menace du cancer est un phénomène mondial qui touche plus ou moins tous les pays civilisés.
– Traduction d’une citation de Frederick Hoffman tiré du discours « Cancer Problem of Canada » (« Le problème du cancer au Canada »), donné à la Ontario Health Officers Association, Toronto, 1925
Au tournant du 20e siècle, en Amérique du Nord et en Europe, on s’inquiète d’une augmentation importante de décès liés au cancer. Frederick Hoffman, statisticien en chef de la Prudential Insurance Company, est l’un des premiers à sonner l’alarme. En 1915, il publie The Mortality from Cancer throughout the World (La mortalité due au cancer dans le monde) dans lequel il explique que le cancer est un problème mondial croissant.
Le cancer n’est pourtant pas un mal nouveau. La première trace écrite de cette maladie remonte à l’Égypte antique. L’apparition du terme cancer pour décrire des tumeurs localisées ou des gonflements du corps nous vient quant à lui de la Grèce antique. Dans les écrits hippocratiques on utilise le terme karkinos et karkinoma c’est-à-dire crabe (qui en latin se dit cancer) pour décrire cette maladie. Le terme est choisi en référence à la forme des veines gonflées qui entourent les tumeurs du sein. Au 19e siècle, le développement de la science médicale et, notamment, de l’utilisation du microscope pour observer des maladies permet aux médecins de diagnostiquer les cancers avec précision.
Malgré ces avancées, les causes du cancer restent mystérieuses et donnent lieu à toutes sortes de discours alarmistes. Par exemple, le médecin torontois John Ferguson explique que c’est le mode de vie des pays « civilisés » qui favorise le développement du cancer. D’autres vont plus loin et voient dans cette maladie le signe de la dégénérescence de la civilisation occidentale. Ces débats d’idées, qui trahissent les tendances racistes de la bourgeoisie de l’époque, transforment le cancer en un problème social. Ce problème est d’autant plus important que les corps médicaux n’ont pas ou très peu de ressources pour lui faire face efficacement.
À cette époque, seules des chirurgies très agressives sont parfois utiles pour traiter les cancers. Toutefois, la nature drastique de ces opérations pousse plusieurs malades à ne pas se faire traiter. Les propriétés médicales révolutionnaires d’un nouvel élément radioactif apparaîtront bientôt comme une lueur d’espoir dans cette lutte pour laquelle la médecine est jusqu’alors démunie.