Extraits d’une lettre du Dr Gendreau adressée à l’Honorable Louis-Alexandre Taschereau, 3 février 1922
Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Interprété par Jean-Robert Bonneau.
Extrait d’une lettre du docteur Gendreau adressé au premier ministre du Québec Louis-Alexandre Taschereau afin de le convaincre d’investir dans la mise sur pied d’un Institut du radium :
Lettre adressée à l’Honorable L. A. Taschereau, Premier Ministre de la Province de Québec, le 3 février 1922 à Montréal.
Monsieur le Premier Ministre,
Permettez-moi d’apporter quelques éclaircissements aux doutes que vous exprimez dans votre aimable réponse du 30 janvier 1922.
J’expliquerai les raisons qui m’ont amené à renouveler cette année la demande d’un laboratoire du Radium, déjà favorablement accueillie l’an dernier.
La nécessité des laboratoires de recherches est reconnue dans le monde entier elle s’impose d’autant plus à un pays que celui-ci est plus pauvre.
Il est moins évident qu’il faille commencer par un laboratoire du Radium ; je l’ai cependant suggéré :
- Parce que le capital engagé dans cette expérience était en grande partie récupérable, et demeurait la propriété du gouvernement. Ce motif n’est pas contesté.
- Parce que dans ce champ, plus que dans aucun autre peut-être, les résultats auraient une importance scientifique et économique considérables. « Le contrôle de l’énergie du Radium ouvrira, sans nul doute, une ère nouvelle pour l’humanité. » Prof. Soddy d’Oxford. Le Gouvernement de l’Ontario donne une prime de vingt cinq à cinquante mille dollars pour la simple découverte de minerai radifère explicitable.
- Parce que pendant que le Radium servira aux recherches d’un rendement futur, son Émanation sera utilisée immédiatement dans nos Hôpitaux, qui en sont aujourd’hui absolument dépourvus, (Traitement du Cancer, Tuberculose, Fibrome, Goître etc.) […]
Si l’agent curateur spécifique n’est pas encore connu, il n’en faut pas moins employer tous les moyens à notre disposition pour enrayer le mal. Or le Radium est placé au nombre des agents curateurs par tous les médecins expérimentés, et au premier rang par beaucoup.
Je ne parle pas de ceux qui n’ont jamais employé de Radium ni étudié de cas où le Radium avait été scientifiquement utilisé, ni de ceux qui, ayant constaté un accident par faute de technique, ne voient plus que les dangers qui en découlent.
J’ai réuni un ensemble de témoignages venant des chefs des grands Instituts du Radium de Paris, de Londres, de New York; des professeurs des Universités les plus importantes, des chefs de départements des Hôpitaux spécialisés, du Bureau d’Hygiène américain et de beaucoup de praticiens. […]
Personnellement, je puis rapporter les témoignages favorables des chercheurs des Instituts du Radium de Londres et de Paris que je considère comme les plus hautes autorités scientifiques en cette matière.
- Les résultats certains déjà obtenus ont amené les gouvernements et les villes les plus importantes à créer à grands frais des instituts du radium. La ville de Toronto a même le sien. Nos médecins ont d’ailleurs applaudi l’an dernier à leur congrès de Québec, le délégué officiel du gouvernement français, lorsqu’il lançait ce projet. Ils ont résolu de traiter spécialement la question du cancer à leur congrès de 1922.
La plupart des autorités médicales que je connais approuvent cette fondation ; je compte spécialement sur les doyens de nos deux facultés de médecine canadienne-française. Le Dr Rousseau a dû l’an dernier, faire des démarches spéciales à ce sujet, auprès de vous, et le Dr Harwood me disait hier soir, qu’il était prêt à aller lui-même à Québec, vous porter sa recommandation.
J’espère, Monsieur le Premier Ministre, que vous voudrez bien accueillir favorablement cette insistance.
Je vous prie d’agréer l’hommage de mes sentiments respectueux.
Dr Ernest Gendreau
Professeur de Physique à la Faculté des Sciences, Directeur des Études à la Faculté de Médecine.