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Hautes tensions à l’Institut

Montage photographique de trois portraits en noir et blanc représentant une religieuse, et deux hommes.

Sœur Roy et les docteurs Pinsonneault et Dufresne, entre 1929-1947

Le 7 novembre 1945, le docteur Dufresne, le docteur Pinsonneault et la sœur Roy co-signent une lettre enflammée qui dénonce l’éminent Docteur Gendreau, fondateur et directeur de l’Institut. Les critiques fusent de toutes parts. Selon eux et elle, Gendreau s’enrichit grâce à  l’Institut comme s’il s’agissait d’un cabinet privé, il ne pratique aucune médecine depuis plus de dix-sept ans et il signe frauduleusement des articles scientifiques écrits par les docteurs Dufresne et Pinsonneault. Plus encore, en 1946, les employés de l’Institut envoient une pétition au bureau des directeurs exigeant que : « (…) le Docteur Gendreau soit retranché du personnel de l’Hôpital. »

Montage photographique de deux pages manuscrites mises l’une à côté de l’autre. 43 noms y sont inscrits à la machine à écrire et 42 signatures les suivent. La majorité sont des femmes : les gardes-malades. La plupart sont inconnues, mais on reconnaît les docteurs Origène Dufresne, Germain Pinsonneault et Lorenzo Jutras.

Pétition à l’encontre du Dr Ernest Gendreau, 1946

Écoutez le clip audio avec la transcription : Requête du personnel demandant le renvoi du Dr Gendreau

Photographie en noir et blanc flou et surexposé par fuite de lumière. On y trouve un homme accoté dans un décor naval. Il est habillé d’un complet propre et d’un fedora noir.

Le Dr Gendreau sur le paquebot «Normandie», 1939

Face à cette contestation, le 29 mai 1946, Gendreau présente sa démission comme directeur scientifique et médical de l’Institut du radium. Malgré le scandale, Gendreau tente encore de tirer profit de l’Institut. Il réclame une généreuse pension de retraite, refuse de céder son bureau et revendique le droit de se présenter comme directeur honoraire. À sa mort en juin 1949, le bureau des directeurs de l’Institut du radium ne laissent rien paraître de ce scandale. Au contraire, ils font publier un éloge funèbre dans les journaux montréalais rappelant le génie et l’avant-gardisme du Docteur. Cette mémoire de Gendreau se consolide le 16 juillet 1957 lorsque la ruelle derrière l’Institut est nommée place Ernest-Gendreau par la Ville de Montréal.

Photographie en noir et blanc représentant un homme vu de face. Il porte un costume trois pièces.

Portrait de Ernest Gendreau avant 1949

La relation entre les Sœurs Grises chargées de l’administration de l’Institut et les médecins est elle aussi faite de tensions. On assiste à un bras de fer entre les médecins qui défendent la supériorité du pouvoir scientifique et les religieuses qui revendiquent la vocation spirituelle de l’Institut. Un rapport du conseil médical soumis au conseil d’administration rend bien compte de cette réalité.

Écoutez le clip audio avec la transcription : Rapport du conseil médical aux directeurs de l’Institut

Quoiqu’en disent les médecins, l’engagement des Sœurs Grises demeure essentiel au bon fonctionnement de l’Institut. En août 1956, lorsque le président du bureau de direction de l’Institut, Taggart Smyth, reçoit une lettre de la sœur Flora Sainte-Croix, qui annonce le retrait définitif de toutes les Sœurs Grises, il tente de les retenir, sans succès. La communauté religieuse fait face à une crise qui dépasse les enjeux internes de l’Institut. Elle souffre d’un manque de renouvellement dans ses ordres ce qui oblige son départ de Maisonneuve après près de trente ans.