Les patient·e·s à l’Institut
Mary Travers, dite La Bolduc, est sans doute la patiente la plus connue à être passée à l’Institut. Considérée comme l’une des premières autrice-compositrice-interprète du Québec, elle connaît un succès phénoménal durant la Grande Dépression (1929-1939) grâce à ses textes drôles et empreints d’espoir, de sa musique entraînante et de son célèbre turlutage. En 1937, à la suite d’un accident de voiture, on lui diagnostique un cancer. Après deux opérations infructueuses, elle est transférée à l’Institut du radium. C’est là qu’elle s’éteint, le 20 février 1941 à l’âge de 46 ans.
Mis à part le passage de La Bolduc à l’Institut, les archives ont gardé très peu de traces des patient·e·s. Pourtant, ils et elles sont au cœur de son histoire. Nous savons que ces derniers étaient nombreux et souvent très pauvres. Selon les statistiques de l’Institut, la majorité des patient·e·s ne payaient pas pour leurs soins. Par exemple, entre 1929 et 1930, sur 11 424 traitements, 8 908 sont donnés gratuitement, soit près de 78%. En 1947, presque 20 ans plus tard, 70% des traitements sont toujours offerts gratuitement.
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Aujourd’hui, il peut nous sembler étrange que les traitements médicaux offerts par l’Institut n’aient pas tous été gratuits. Il faut savoir qu’avant les grandes réformes sociales des années 1960, les soins médicaux au Québec étaient payants pour la grande majorité de la population. Seuls les plus pauvres, qu’on appelait les indigent·e·s, voyaient leurs frais médicaux payés par l’État. En 1934, la Ville de Montréal et le Gouvernement provincial acceptent de donner respectivement 20 000$ et 50 000$ par année à l’Institut, à condition que 40% de ses lits soient réservés aux indigent·e·s.
La majorité des patient·e·s de l’Institut proviennent de Montréal et plus largement du Québec. Toutefois, la réputation de l’hôpital dépasse les frontières de la province. Par exemple, en mai 1937, l’Institut reçoit une lettre d’une personne atteinte d’un cancer du sein à Haïti : « Cette malade […] est prête à franchir la distance et faire tous les sacrifices pourvu qu’elle guérisse. » Après une traversée éprouvante de cinq jours en bateau, elle arrive enfin à Maisonneuve. Son cas étant grave et très avancé, les traitements n’auront guère de succès. Elle succombera malheureusement à sa maladie.
Il ne faudrait pas pour autant croire que les traitements au radium à l’Institut sont totalement inefficaces. Dans un mémoire adressé au ministère de la santé du Québec, Docteur Origène Dufresne explique qu’environ 30% des cas de cancer sont guéris grâce aux traitements au radium. Le docteur affirme que le taux de guérison des patient·e·s dépend surtout de la nature et de l’état d’avancement de leur maladie. Le dépistage précoce demeure encore aujourd’hui garant d’une plus grande chance de survie.
Plusieurs autres enjeux s’ajoutent aux défis scientifiques associés au développement des traitements du cancer. L’avancement des sciences ne dépend pas seulement de la capacité des scientifiques à résoudre les problèmes sur lesquels ils se penchent. Dans cette dernière section de l’exposition, vous découvrirez que l’histoire de l’Institut du radium a été traversée par des problèmes de locaux, de finance et de sécurité ainsi que de nombreux conflits humains.