Le blockhaus et le manoir de F. H. Clergue
L’histoire des rapides St. Mary a inspiré Clergue dans la conception pour le moins originale de sa première résidence. Jadis un poste de traite érigé par la Compagnie de la Baie d’Hudson, on avait construit une écluse afin de permettre aux canots des commerçants de fourrure de contourner les rapides et poursuivre leur chemin vers ou en provenant du lac Supérieur. Clergue prit assises sur les ruines des fondations de la poudrière du poste de traite pour ériger un blockhaus à l’image des forts que l’on construisait au 18e siècle dans les régions reculées du Nouveau Monde. La partie supérieure du blockhaus construite en rondins lui servait de résidence permanente. Et pour donner encore plus de relief ou de piquant à son image d’homme des bois – une marque de commerce que Clergue aimait bien se donner, des chiens et des ours enchaînés en face de sa maison lui servaient d’animaux de compagnie.
Le panache des installations que Clergue a fait ériger sur les rives de la St. Mary était sans équivoque. L’objectif était avant tout d’attirer les investisseurs et d’impressionner les visiteurs de marque. Parmi ces derniers, la présence du Premier ministre Wilfrid Laurier à Sault Ste. Marie était monnaie courante durant ces années fastes. Des trains bondés de riches investisseurs en provenance de New York et de Philadelphie, de même que les politiciens canadiens rêvant d’un «Nouvel Ontario» riche et prospère, se pressaient aux portes pour visiter les entreprises de Francis Clergue. Tous, impressionnés par le gigantisme des installations, célébraient à l’unisson la vision et l’audace de ce «grand bâtisseur».
Clergue ne reculait devant rien pour promouvoir ses entreprises en cultivant une image de sa personne plus grande que nature. Lorsqu’un jour ses partenaires lui suggérèrent de ralentir ses élans expansionnistes, il réagit typiquement en achetant un yacht – le Siesta. Un geste extravagant qui témoignait d’une estime de soi particulièrement élevée, ce qui était chez lui monnaie courante.
Clergue meubla richement son blockhaus où il vivait avec son frère Ernest, un ingénieur qui faisait partie de la compagnie. Ce dernier mourut prématurément d’un ACV durant un portage en canot alors qu’il faisait de la prospection au nord du Sault.
Dans sa vie personnelle, Francis Clergue a toujours maintenu des liens très étroits avec sa famille. En pleine heure de gloire, il fit construire un riche manoir qu’il baptisa «Montfermier», du même nom que le domaine ancestral de la famille situé en France. Lorsque Francis quitta le Sault, il fit construire un troisième Montfermier, cette fois à Montréal.
Toute la famille de Francis avait quitté le Maine pour emménager dans le manoir Montfermier au Sault. Le domaine était immense, et les nombreux animaux de compagnie incluaient encore une fois des ours, des cerfs, et des chiens, dont s’occupaient les aides domestiques. À la suite du décès du père de Francis, et de la faillite de la Consolidated Lake Superior, la famille se dispersa et Francis s’expatria à Montréal pour tenter sa chance dans la fabrication et l’ingénierie d’armes à feu. Le manoir Montfermier du Sault resta inhabité jusqu’à sa destruction lors d’un incendie criminel dans les années 1930. Le domaine fut alors vendu et le boisé défriché pour faire place à un développement domiciliaire. Aujourd’hui, il ne reste plus aucune trace de ce qui fut jadis une résidence des plus prestigieuses.