La naissance du crime organisé
Le régime sec des États-Unis aura des effets bien plus néfastes encore. À cette époque, tous les états américains sont aux prises avec des problèmes de corruption et de contrebande. On assiste également à la naissance du crime organisé auquel on associe un nom des plus évocateurs, celui du célèbre Al Capone. Au Canada, presque toutes les provinces adoptent des lois en faveur de la prohibition entre les années 1915 et 1918. Le Canada devient donc en majorité « sec », à l’exception du Québec. Il devient donc rapidement une plaque tournante pour la contrebande de l’alcool.
La criminalité transfrontalière ne fait que s’aggraver et touche un nombre grandissant de corps policiers. Vers 1925-1926, la collaboration transfrontalière s’impose donc rapidement comme solution aux yeux de la Police des liqueurs. Il n’est donc pas rare de voir au Québec des policiers des liqueurs effectuer leurs enquêtes avec ceux de la New York State Police ou la Maine State Police, et vice-versa aux États-Unis.
À titre d’exemple d’opérations « aux frontières », une perquisition de la Police des liqueurs révélera l’ampleur de la criminalité en place et mènera même à la constitution d’une commission d’enquête fédérale. En 1924, des inspecteurs de la Police des liqueurs perquisitionnent dans un bateau, la barge Tremblay, sur le fleuve Saint-Laurent; ce bateau achemine 24 000 gallons d’alcool en direction des États-Unis. J.A.E. Bisaillon, officier des douanes canadiennes, apparaît mystérieusement au cours de la perquisition et, alléguant une infraction aux lois fédérales, il prend possession de la marchandise. Après enquête, la Police des liqueurs découvre que Bisaillon a revendu l’alcool et a déposé 69 000 $ dans son propre compte en banque… une fortune pour l’époque. Plusieurs accusations sont déposées contre Bisaillon et des fonctionnaires fédéraux, et une commission d’enquête fédérale, l’enquête Stevens, s’ensuit en 1926. D’importantes allégations de corruption sont formulées contre des policiers et des politiciens fédéraux, révélant ainsi l’ampleur de l’emprise du crime organisé au Québec.