L’alcool frelaté
Au cours de la contrebande, deux types d’alcool sont disponibles : l’alcool frelaté, c’est-à-dire concocté de manière artisanale, et celui provenant de Saint-Pierre-et-Miquelon. Comme celui provenant de Saint-Pierre-et-Miquelon se vendait à un prix assez élevé, la mode de fabriquer sa propre boisson prit de l’ampleur. Il était donc courant de posséder un alambic même si on ne faisait pas de contrebande.
L’alcool ainsi produit pouvait porter différents noms. Dans la région, bagosse était le plus populaire. Il s’agit d’un alcool fait à partir d’ingrédients naturels comme des pommes de terre, des pommes, des raisins secs, du sucre, ou de la mélasse, de l’eau et de la levure. Au cours des années 1920, la vente de mélasse va d’ailleurs bondir de 75 %. La vente d’alcool frelaté était tout de même illégale, car une mauvaise bagosse pouvait rendre aveugle, voire causer la mort. À ce sujet, le professeur H.-M. Nagant de l’Institut agricole d’Oka faisait remarquer dans l’un de ses articles reproduit dans Le Madawaska que dans ce type de boisson, la ligne est mince en l’alcool éthylique, qui a le don de réjouir le cœur des hommes et l’alcool méthylique, un poison pour l’organisme. Par ailleurs, la bagosse était préparée dans des alambics de fortune, des distilleries clandestines plus ou moins sécuritaire. Plusieurs accidents causés notamment par des explosions ont d’ailleurs été recensés à cette époque bien qu’aucun ne soit directement lié aux affaires d’Alfred Lévesque malgré ses imposantes installations.
Selon certains témoignages, Alfred utilisait également de l’alcool de bois vendu dans les pharmacies de Boston qui était redistillé chez son beau-père, Pierre Collin, à Saint-Hilaire (N.B.). Rapidement, Alfred s’est approvisionné à Saint-Pierre-et-Miquelon. Bien qu’il ait eu accès à de l’alcool de grande qualité, il semble qu’il achetait principalement du Hand Brand.