Tempérance et prohibition
Au cours du premier quart du XXe siècle, la forte pression exercée par les défenseurs de la tempérance aux États-Unis et au Canada vont mener à l’adoption de lois prohibitives interdisant la fabrication, la consommation et la vente d’alcool. L’Amérique devient alors sèche à l’exception du Québec, qui constitue à cette époque, le seul territoire au nord du Mexique épargné par la prohibition.
La prohibition est l’aboutissement des efforts de plusieurs générations de partisans du mouvement de la tempérance qui demandent la fermeture des bars et des tavernes, grande cause d’ivrognerie et de misère à une époque où l’aide sociale n’existe pas. Les partisans et leurs alliés croient aussi que l’alcool, surtout les spiritueux, constitue un obstacle au succès économique, à la cohésion sociale et la pureté religieuse. L’Église exercera des pressions politiques qui firent de la prohibition un enjeu politique national. Dès 1906, les évêques du Québec édictent des mandements invitant les élus municipaux à réduire le nombre d’hôtels et de toutes autres buvettes et lieux immoraux. Des ligues antialcooliques s’organisent dans les divers diocèses du Québec; on assiste à de nombreux discours au prône et au déploiement de la croix noire de tempérance dans plusieurs foyers.
Près de chez-nous, aux États-Unis, la Loi Volstead est adoptée et elle est appliquée jusqu’en 1933. Au Canada, en 1898, le gouvernement fédéral tient un référendum sur la prohibition de l’alcool. Toutes les provinces votent en faveur, à l’exception du Québec où 80 % de l’électorat s’y oppose.
En 1918, le parlement québécois vote une loi prohibant la vente d’alcool au Québec devant entrer en vigueur en 1919. On réalise que la prohibition totale ne passe pas chez la majorité des citoyens. Fort astucieux, le premier ministre Lomer Gouin ira en référendum sur la légalité de vendre du vin, du cidre et de la bière. Le peuple vote favorablement à 79 %. Le Québec prohibait donc uniquement les spiritueux. Le Québec est le seul endroit, tant au Canada qu’aux États-Unis, où la prohibition n’est pas totale.
Le 1er mai 1921, la prohibition est abolie au Québec lors de l’entrée en vigueur de la « Loi sur les boissons alcooliques ». Cette loi crée la Commission des liqueurs, ancêtre de la Société des Alcools du Québec. Ainsi le gouvernement du Québec choisit une solution originale : la tempérance plutôt que l’abstinence, contrairement au reste de l’Amérique du Nord.