Le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine
Film de l’Office national du film du Québec réalisé en 1967
Narrateur [00:00] Le tunnel n’a pas été percé sous le lit du Saint-Laurent. On a choisi de préfabriquer les sept éléments formant la partie centrale de l’ouvrage puis de les immerger en position dans une tranchée creusée au fond du fleuve. Avant de commencer les travaux proprement dits, il a fallu aménager une cale sèche aux proportions gigantesques: 2000 pieds par 1000 pieds, 600 mètres sur 300, sur les lieux mêmes où se trouve aujourd’hui le tunnel. Cette cale sèche a servi à la préfabrication des éléments et à la construction d’une partie du tunnel à pied d’oeuvre sur la rive sud. L’aménagement de la cale sèche impliquait la levée de digues et le creusage du lit du fleuve pour atteindre à une profondeur utile de 90 pieds, soit 27 mètres. Quand se termina la ronde des camions, on avait déplacé plus de deux millions de mètres cubes de sol et de roc. Il est entré dans la construction du tunnel seulement près de 250 000 mètres cubes de béton. Pas étonnant que l’on ait décidé devant le volume de béton requis de construire une bétonnière à deux pas du chantier. Tout au long de la fabrication comme au cours de son utilisation le béton fait l’objet de contrôles rigoureux. Au cours des grandes chaleurs de l’été, on mettait de la glace dans le béton pour le refroidir.
Seules des comparaisons peuvent donner une idée de l’ampleur des travaux. Chacun des sept éléments qui forment la partie immergée du tunnel pèse 32 000 tonnes, ce qui équivaut au tonnage des plus gros parmi les bateaux qui entrent dans le port de Montréal. Par ailleurs chaque élément a une superficie comparable à celle d’un terrain de football. Comme chaque élément du tunnel mesure 360 pieds de longueur sur 120 pieds de largeur, il ne peut être coulé d’un seul coup. Il est divisé en sections d’une cinquantaine de pieds ou 15 mètres de longueur Les mêmes opérations de vérification de la tension des câbles de précontrainte et de l’homogénéité standard du béton se répètent à toutes les étapes de la construction. Quand le niveau de l’eau atteint la cote prévu, les éléments commencent à flotter. Une fois terminée l’inondation de la cale sèche, il s’agit de déplacer les éléments. Haler ces mastodontes de béton de 32 000 tonnes, les immobiliser au-dessus de leur emplacement futur, les immerger puis les assembler les uns aux autres sous près de 80 pieds d’eau, c’est à dire 25 mètres, le tout en travers du chenal maritime et de son trafic incessant; voilà le défi à relever. Touer les éléments, les immerger puis les fixer en position définitive; ces opérations cruciales constituent la phase la plus délicate des travaux.
Il faut un déploiement de force herculéenne pour déplacer une telle menace et en même temps, une précision exceptionnelle dans les mouvements d’assemblage. À mesure que les sections du tunnel sont immergées à leur emplacement définitif et qu’elles sont reliées les unes aux autres, les joints étanches se ferment et unissent les sections entre elles. Ces joints sont formés de plaques de métal et de colliers de caoutchouc qui viennent en contact très étroit. Un vérin d’une puissance de 250 tonnes scelle temporairement cet assemblage. La pression hydraulique naturelle d’une puissance d’environ 10 000 tonnes comprime le collier de caoutchouc. Ces colliers assurent l’étanchéité du tunnel jusqu’à ce que de l’intérieur, l’on complète le joint de béton armé qui rend la structure homogène sur toute sa longueur. Dans l’espace compris entre la base des éléments et le fond de la tranchée, des appareils propulsent sous pression du sable pour former les fondations très compactes. À une profondeur moyenne de 80 pieds sous le niveau des basses eaux, au point le plus bas de la chaussée, le tunnel s’appuie sur de véritables coussins de sable. Finalement, on remplit la tranchée de pierres concassées. Le tunnel ne gêne d’aucune façon la circulation maritime. Il a été conçu de façon à permettre l’élargissement du chenal au double de ce qu’il est présentement, avec un tirant d’eau minimum de 40 pieds, 13 mètres. Grâce à la réussite de cette entreprise entièrement québécoise, monsieur tout le monde accomplit sans même s’en rendre compte ce qui relevait du défi, franchir le fleuve. [06:58]