L’incendie du 18 octobre 1922
Lors d’un après-midi de septembre 1922, alors que la famille Marler réside toujours au Grantham Hall, Herbert Meredith et son fils, Howard, décident de parcourir les frontières du domaine. Les deux explorateurs empruntent l’un des chemins passant près du cimetière des Watts, puis se rendent au pont enjambant la rivière Noire (aujourd’hui Saint-Germain), près de l’endroit où Heriot avait autrefois établi ses moulins. De là, le père et le fils décident de traverser la forêt vierge, faisant fuir lapins et perdrix, et ressortent près du huitième trou du terrain de golf.
Nul ne sait si Marler avait un pressentiment lors de cette balade empreinte de nostalgie, mais le Grantham Hall est malheureusement la proie des flammes quelques semaines plus tard, le 18 octobre 1922. Lorsque la magnifique résidence d’été du député fédéral de Saint-Laurent et de Saint-Georges prend feu au courant de l’après-midi, les pompiers de Drummondville sont appelés. Bien que la brigade de pompiers volontaires ait été mise sur pied au tournant du XXe siècle, son équipement est alors toujours des plus rudimentaires, le premier camion d’incendie n’ayant été acquis qu’en 1928. Les boyaux à eau s’avèrent ainsi trop courts pour sauver le Grantham Hall, situé en périphérie de la ville, et subissant l’ire des flammes. Impuissants, les spectateurs ne peuvent que contempler le triste spectacle, la maison étant réduite en cendres vers 17 h, hormis quelques murs de pierres toujours debout. La bibliothèque, une table de billard et le portrait d’un membre de la famille sont tout ce qui a pu être sauvé. Même si les assurances couvrent une partie des dommages, les pertes qu’a subies la famille Marler sont inestimables.
Selon son fils Howard, Herbert Meredith n’a jamais remis les pieds à Drummondville après cette dure épreuve. Son rêve d’y édifier un legs pour ses descendants réduit à néant, la famille décide qu’une résidence de campagne située plus près de Montréal permettrait à Herbert Meredith d’y loger plus régulièrement et non pas seulement de s’y rendre durant la saison estivale. Marler fait donc construire une grande maison à Senneville, à l’extrémité ouest de l’île de Montréal, où plusieurs de ses amis habitent. Une résidence se trouve toutefois déjà sur le terrain acquis, laquelle est déplacée et devient la demeure du jardinier John Kirkpatrick, le même qui a veillé à l’aménagement des jardins du Grantham Hall. La résidence principale de style colonial dessinée par l’architecte Kenneth Rea est construite en bois et peinte en blanc, tandis que de nombreux aménagements viennent embellir son pourtour. La construction débutée en 1923 est achevée au printemps 1924 et la famille y organise la pendaison de crémaillère la journée de la fête de la Reine.