Le grand développement industriel de Drummondville
Le ralentissement de l’exploitation des matières premières ainsi que la fermeture des forges de la John McDougall & Company en 1911 porte un dur coup à Drummondville au début du XXe siècle, alors que nombre de ses habitants plient bagage avec l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie ailleurs. La venue de la compagnie d’électricité Southern Canada Power (SCP) en 1914 permet cependant à la petite municipalité d’entamer un important virage industriel. En plus d’acquérir les droits d’exploitation de six chutes de la rivière Saint-François, la jeune compagnie, mise sur pied en 1913, se porte acquéreur de la centrale hydroélectrique de la ville érigée au bout de la rue des Forges en 1896. Bien que la SCP ne termine la construction de son nouveau complexe hydroélectrique qu’en 1919, elle procure déjà de l’électricité en quantité suffisante pour alimenter les petites manufactures de la ville.
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914 entraîne la création d’usines de guerre un peu partout sur la planète. Grâce à une position géographique enviable, une connexion aux deux réseaux ferroviaires les plus importants ainsi qu’à un potentiel électrique considérable procuré par la SCP, la compagnie américaine Ætna Explosives décide d’inaugurer une filiale canadienne à Drummondville, dont l’ouverture est prévue en 1916 sous le nom d’Ætna Chemical. La fabrication de la première commande de trois millions de kilogrammes de poudre sans fumée pour le gouvernement russe permet l’embauche de 2 500 travailleurs alors que l’agglomération ne comptait jusque-là que 3 000 habitants. La fin de la guerre en novembre 1918 force toutefois la fermeture de l’industrie quelques semaines plus tard, en janvier 1919, laissant quelque 700 ouvriers sans travail.
Loin d’être pénalisée, Drummondville profite des circonstances, à savoir un bassin de main-d’œuvre non négligeable et l’ouverture imminente de la nouvelle centrale de la SCP, pour attirer de nouvelles entreprises en leur offrant de généreuses exemptions de taxes. Le maire Joseph-Ovila Montplaisir annonce alors l’implantation des deux premières manufactures du textile à Drummondville en novembre 1919, soit Butterfly Hosiery (bas de soie haut de gamme) et Canadian H. W. Gossard (sous-vêtements féminins). Leurs succès motivent les arrivées consécutives d’autres entreprises, telles que Jenckes Canadian Tire Fabrics (tissus, filets et cordes) en 1920, Dominion Silk Dyeing & Finishing (teinture de tissus) en 1923, Louis Roessel (tissus de soie naturelle) en 1924 et Canadian Celanese (soie artificielle) en 1926, projetant Drummondville dans un véritable âge d’or.
La vitalité économique de la municipalité, qui se classe au quatrième rang provincial quant à sa valeur annuelle de production en 1939, provoque son lot de conséquences : le nombre d’habitants triple entre 1921 et 1931, passant de 4 433 à 12 023, les théâtres se font nombreux dans les années 1930, les sportifs profitent de nouvelles installations sportives, tandis que l’urbanisation massive pousse l’Hôpital Sainte-Croix à agrandir et à déménager de nombreuses fois. La suppression des barrières tarifaires à partir des années 1950, protégeant les industries canadiennes de textile, ralentit cependant la production de celles-ci et Drummondville n’y échappe pas…