Les premiers pas d’une jeune localité
Dès les débuts de la colonie militaire en 1815, le surintendant Frederick George Heriot fait construire trois baraques en bois sur le coteau surplombant la rivière Saint-François. Celles-ci servent d’entrepôts, mais également de dortoirs aux soldats en attente d’un lot à défricher, de lieu de culte multiconfessionnel, d’école et de cour de justice. À ces bâtiments s’ajoute un champ de manœuvres militaires qui servira jusqu’aux rébellions de 1837-1838.
Afin de peupler la région, les soldats volontaires reçoivent 100 acres de terres, tandis que les officiers s’en voient attribuer entre 200 et 800. Les vétérans et leur famille sont alors réunis à William-Henry (aujourd’hui Sorel), où ils sont accueillis par le capitaine Jacques Adhemar. C’est ainsi près de 300 compagnons d’armes, provenant essentiellement des 27e et 49e Régiments d’infanterie, du 4e Bataillon Royal vétéran, du Corps des Voltigeurs canadiens et des Régiments suisses de Meuron et de Watteville, qui s’installent à Drummondville au cours de la première année d’existence de la localité et qui y reçoivent des denrées pour un an de même que des semences et de l’équipement agricole pour les aider au défrichement.
Même si le gouverneur Drummond fait grand étalage de la réussite de la colonie à l’automne 1815, la réalité est tout autre. Malgré le soutien qui leur est apporté, les colons font face à diverses embûches de taille, notamment l’octroi de terres dont la qualité du sol laisse à désirer, des gels et de la neige endommageant les champs à récolter lors des étés de 1815 et 1816, une aide alimentaire promise insuffisante et une épidémie de petite vérole en 1820. Déjà, les départs sont nombreux parmi ceux qui s’avèrent plus habiles à manier le mousquet que la pioche, abandonnant les terres à la merci des spéculateurs, dont Heriot lui-même.
Alors que Drummondville ne compte plus qu’une centaine de pionniers, un brasier se déclare dans une forêt avoisinante le 25 juin 1826. Le lendemain, le vent permet à l’incendie de gagner rapidement du terrain et rase presque entièrement le village, n’épargnant que trois maisons et les deux églises, catholique et anglicane. Même si aucun décès n’est répertorié, le feu réduit à néant les semences, les réserves de foin, les provisions et cinq cents fusils réservés à l’usage de la milice locale. Ne se laissant pas abattre, les colons redoublent d’efforts pour tout reconstruire afin que le hameau puisse renaître de ses cendres. C’est ainsi qu’en 1832, la population de Drummondville et de ses environs est évaluée à près de 400 habitants. La caractéristique multiethnique qui faisait le charme de la jeune colonie jusqu’à maintenant commence toutefois à s’étioler devant les arrivées successives de nombreux Canadiens français provenant des seigneuries surpeuplées de la vallée du fleuve Saint-Laurent.