Comment s’est passée l’intégration des femmes à l’Alcan ?
Source : Appartenance Mauricie Société d’histoire régionale, 2020
Entrevue avec Gilles Fréchette, retraité de l’Alcan.
Texte à l’écran : Comment s’est passée l’intégration des femmes à l’Alcan ?
Gros plan sur monsieur Gilles Fréchette. Texte à l’écran : Gilles Fréchette, retraité de l’Alcan.
Gilles Fréchette : L’Alcan a commencé… a été dans les premières, dans la région en tous les cas, à accepter des filles sur le plancher en tant que travailleur, non pas spécialisé, mais travailleur… comment je dirais ça, travailleur régulier. Parce c’est sûr, des filles, on en avait. On avait des ingénieures, des femmes ingénieures qui étaient A1. T’en as eu qui étaient moins bonnes, mais on a eu des gars aussi qui étaient… assez bas merci.
Une photographie apparaît à l’écran pendant que M. Fréchette continue de parler. Elle montre le complexe de l’aluminerie au début du XXe siècle. Un chemin de fer sépare la rivière des bâtiments en briques.
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Et tsé, il y a beaucoup de choses qui ont amené certains gars à se poser des questions à savoir s’ils étaient capables de travailler en équipe avec la fille… avec une fille… avec la fille… avec une fille.
Trois photographies en noir et blanc se succèdent. Elles montrent des ouvriers travaillant près de cuves d’aluminium. Ils portent des lunettes de sécurité et des gants.
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C’était un milieu dur au départ, les deux premières qui ont rentré… je lève mon chapeau, parce que ça n’a pas été facile, je suis sûr, pour eux autres. Parce qu’il y en a qui voyaient leur place partir ou qui voyaient la place de leur gars. Tsé là parce que ça a été longtemps plutôt familial l’Alcan. Ton père travaillait là, toi tu travaillais là, pis ton gars travaillait là. Ça menait de même. Mais si elle a rentre, mon gars il rentrera peut-être pas.
Des photographies se succèdent. La première montre un dignitaire serrant la main d’un travailleur dans les années 1950. La deuxième présente trois travailleurs portant des casques et des lunettes de sécurité. La troisième montre un ouvrier qui manipule une perche au bout de laquelle se trouve de l’aluminium en fusion.
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C’est de la compétition, mais après ça, ben là, c’est comme je disais, il y a eu la question des douches, il y a eu la question des salles de bain, pis tsé.
Le langage aussi était pas mal différent. Il fallait que les gars comprennent qu’il y avait certaines jokes que tu ne faisais plus. Les affaires qui se contaient là, surtout quand on allait à la salle de repos, dîner ou à la salle à manger… il y avait des conversations, surtout de nuit qui étaient différentes un peu.
Des photographies se succèdent. La première présente un ouvrier conduisant un chariot élévateur dans un entrepôt rempli d’aluminium. La suivante montre un autre travailleur qui enfonce un bâton dans de l’aluminium en fusion.
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Pis quand les filles sont arrivées, parce que les filles aussi sont embarquées sur les shifts, ils n’étaient pas rien que de jour eux autres, ils étaient sur les shifts aussi… Il y a des affaires qui ont été changées. Il y en a qui n’ont pas plus aimé que ça, mais c’était ça…
La seule affaire qui est arrivée, c’est que, il y en a qui ont dit aux filles en particulier, ils ont dit : « Nous autres, on est prêt à tout vous montrer, mais si je me beurre jusqu’icitte, il va falloir que tu te beurres toi aussi jusque-là. Si ça marche, t’auras pas de problèmes. On va te le montrer comme il faut. » Et il y a un an à peu près, je suis retourné à la tréfilerie, au plan 1, parce que j’avais affaire à quelqu’un et j’ai rencontré une des premières filles qui est rentrée. Et le commentaire qu’elle m’a fait, elle a dit : « Je suis fière que vous me l’ayez montré comme il faut ».
Des photographies se succèdent. La première présente une rue de Shawinigan. Les cheminées de l’aluminerie enfument le ciel en arrière-plan. La deuxième photo présente un panneau devant l’aluminerie sur lequel est inscrit Alcan – Usine Shawinigan.
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Mais moi je lui ai répondu : « Je suis encore plus fier parce que t’as fait ce qu’on t’a demandé pour que tu sois capable de réaliser ce que tu fais là. »
C’est sûr que ça prenait un caractère comme elle a l’a pour passer à travers ça. Je le sais pas, je connais pas son côté familial. Elle a tu été élevée avec des gars ? Je sais que moi j’ai une conjointe qui a été élevée avec sept gars, m’a te dire un affaire. Pis c’est la plus vieille. M’a dire un affaire, elle est quelqu’un ! Un gars a pas peur de t’ça [rire]. Pis elle a le même langage quand ça fait pas, je te le dis que c’est pas long [rire].