La rivière, la chasse et le commerce de la fourrure
Belle de la Mauricie… accrochés à la jupe de ton lit, des paysages sauvages.
Ta nature aux humeurs tranquilles : miroir noir étincelant ; aux humeurs fougueuses : tes eaux se fracassent en éclats assommés sur le roc érodé.
Tu as prêté ta voie aux Premières Nations et à nos aïeux.
Tu récidives en offrant, aux athlètes et aux plaisanciers, depuis des décennies, le privilège de caresser tes flots avec le ventre de leurs canots.
Susy Desrosiers
Une halte s’impose sur les territoires de chasse qui entourent le Saint-Maurice. Pour y survivre, il faudra rivaliser d’imagination pour attraper les castors, les rats musqués, les orignaux, les lièvres et les ours qui parcourent ces étendues sauvages.
Apogée et déclin du commerce
Traditionnellement, les Atikamekw pratiquent la trappe et la chasse, des activités qui leur permettent d’échanger avec les autres nations. Au 17e siècle, l’arrivée en Mauricie d’Européens friands de fourrures vient modifier l’économie autochtone.
En 1657, Médard Chouart Des Groseillers, interprète et commerçant de fourrures, s’aventure sur le Saint-Maurice pour réaliser une expédition de traite.
Les trappeurs sont de plus en plus nombreux autour de la rivière quand René Gauthier de Varennes, gouverneur des Trois-Rivières, établit un poste de traite à La Gabelle, située à une vingtaine de kilomètres en amont de l’embouchure de la rivière, vers 1681. Après sa mort, son fils Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye fonde deux postes aux environs de Shawinigan. Ces comptoirs de fourrures disparaissent vers 1760, car on établit des postes permanents en Haute-Mauricie.
Ces lieux permettent d’échanger les peaux des animaux chassés par les Atikamekw. Ils attirent aussi dans la région d’autres nations autochtones comme les Abénakis, qui viennent chasser dans le bassin du Saint-Maurice à titre d’engagés des compagnies de fourrures durant la première moitié du 19e siècle.
À partir de 1850, les Atikamekw délaissent progressivement l’économie de subsistance. Ils se consacrent de plus en plus aux activités liées au commerce de la fourrure, plusieurs devenant même trappeurs à temps plein. Ce mode de vie les rend dépendants d’objets manufacturés, du tabac et de la nourriture fournie dans les postes de traite.
Du commerce au sport
À la fin du 19e siècle, la chasse commence à être considérée comme un sport. Le gouvernement provincial vote en 1885 la loi sur la formation des clubs privés de chasse et pêche. Dans les communications gouvernementales, on affirme que cette loi sert à encourager la protection du gibier.
Dans les faits, cette législation va plutôt limiter l’accès aux territoires de la Haute-Mauricie, désormais réservés aux privilégiés qui sont les seuls à pouvoir accéder à de grandes réserves de gibier. La rivière est alors une attraction pour l’élite de l’est de l’Amérique du Nord, composée principalement d’hommes d’affaires et de politiciens.
Ce n’est qu’en 1977 que le gouvernement provincial met fin au système des clubs privés en créant des zones d’exploitation contrôlée (ZEC), gérées par des associations d’utilisateurs, de chasseurs et de pêcheurs. Le territoire bordant la rivière attire aujourd’hui de nombreux chasseurs, notamment dans la ZEC de la Croche située à l’est de notre cours d’eau, à la hauteur de la rivière Croche.