Shawinigan – La cité de l’hydroélectricité
Quand l’eau blanche fracasse la moraine
Je sens sa force affluer dans mes veines
Quand de ses nuées éclosent des perles
J’entends son cœur sacré qui déferle
Quand ses flots propulsent en avant
Je vois clair dans les pistes d’antan
Danielle Bégin
Après avoir inspiré des artistes et des canotiers, la puissante rivière s’est aussi faite valoir en faisant tourner des turbines. C’est à Shawinigan que l’engrenage énergétique s’est mis en branle avec la fondation de la Shawinigan Water and Power (SWP) en 1898.
L’expansion dans ce secteur a été fulgurante, puisque pas moins de 15 centrales sont aménagées sur le Saint-Maurice entre 1899 et 2005. Leur mise en production a favorisé l’industrialisation de la Mauricie et celle du pays tout entier. Dès que les industriels ont flairé le potentiel du filon énergétique, la rivière a vu se créer sur ses rives des dizaines d’usines et des emplois pour des milliers d’ouvriers.
La bougie d’allumage
La géographie particulière du Saint-Maurice lui a vite valu une réputation internationale. Dans un article de la revue The Canadian Electric News paru en 1899, les deux chutes de Shawinigan, d’une hauteur de 45 mètres, sont considérées comme l’un des meilleurs sites hydroélectriques en Amérique.
Au début du 20e siècle, leur aménagement entraîne la mise en chantier du plus important complexe industriel du Canada avec la construction de deux centrales, d’une aluminerie, d’une papetière et d’une usine chimique.
On surnomme la ville de Shawinigan le Niagara de l’Est, en référence à l’imposant complexe industriel qui est aménagé en 1895 près des célèbres chutes qui chevauchent la frontière canado-américaine.
La Shawinigan Water and Power
En 1901, la Pittsburgh Reduction est la première à ouvrir le bal, alors que sa centrale entre en opération pour alimenter la salle de cuves de son aluminerie. L’année suivante, la SWP met à son tour en fonction sa centrale, réputée pour être l’une des plus puissantes de l’époque au Canada.
En 1903, la SWP alimente Montréal grâce à une ligne électrique de 135 kilomètres de 50 000 volts. C’est tout un exploit, car il s’agit alors de la plus longue ligne de transport à l’est du Mississippi.
Afin de continuer à répondre aux besoins toujours grandissants de la métropole canadienne, la SWP débute en 1911 la production d’une deuxième centrale qui sera l’une des plus puissantes du continent.
Poursuivant son développement, la compagnie met en service sept autres centrales sur le Saint-Maurice entre 1916 et 1958. Ces ouvrages spectaculaires témoignent de la force de travail des Mauriciens. De plus, l’élégance et la diversité de leur style architectural expriment la créativité de leurs bâtisseurs. On peut penser à la centrale de Grand-Mère dont l’architecture s’inspire de la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi en France.
À ce jour, douze centrales hydroélectriques parsèment toujours la rivière. La puissance des eaux a permis à trois villes de naître : Grand-Mère (1898), Shawinigan (1901) et La Tuque (1911).
Avec la nationalisation du réseau électrique de la province, la Shawinigan Water and Power est passée sous le contrôle d’Hydro-Québec en 1963. Pour ceux qui ont fait partie de la grande famille des travailleurs de cette compagnie d’État, les souvenirs sont indélébiles.
En repensant à sa carrière de contremaître, Normand Choquette ne cache pas sa fierté d’avoir participé à une épopée qui a redéfini la société québécoise et mauricienne :
on faisait des affaires extraordinaires que y’a pas personne qui a fait dans le monde.