Occupation Tranquille
Extraits des entrevues d’histoire orale du BC Labour Heritage Centre, 2018.
Gary Steeves (Personnel du Syndicat des employés de gouvernement de la Colombie-Britannique, Occupation Tranquille) [00:00:00] C’était au milieu, à la mi-juillet…. C’était comme une semaine, 10 jours plus tard. Le 8 juillet, dans cet assaut massif Grace McCarthy avait, avait annoncé et publié un communiqué de presse disant que Tranquille allait fermer. Alors on savait que le gouvernement avait l’intention de le fermer et parce que le gouvernement a fermé d’autres institutions à Dellview et à Skeenaview et qu’il y avait beaucoup de pression sociale pour désinstitutionnaliser. Alors je n’ai pas été surpris par ça. Ils ont appelé mon bureau. Le ministère des Ressources humaines… et ils étaient juste près de la 12e Ouest. Juste après l’hôpital, le MHR avait un immeuble de bureaux et m’a dit vous savez. « Nous devons vous parler de ce communiqué de presse et quels sont nos plans. » Alors on pensait que c’était, vous savez, un plan sur cinq ans, mais nous allons maintenant fermer et (murmures). Alors Jack a seulement dit : « Gary, tu t’occupes du ministère. Vas-y, tu sauras de quoi tu parles. » Je me rends là-bas et ils ont les hauts gestionnaires et les responsables des relations humaines les plus chevronnés, et il y a une bande d’environ six personnes assises là, et il y a moi.
[00:01:14] Et alors j’ai blagué : « Je pensais que vous autres étiez des hauts gestionnaires? Qu’est-ce que vous faites? Qu’est-ce que vous faites ici à travailler en plein mois de juillet? Comme vous savez, je pensais que vous étiez des hauts gestionnaires. Je suis gestionnaire débutant. C’est pour ça que je suis là. » Et donc ils, ils, on s’est assis, on s’est mis au travail et ils ont dit, écoute. Ils ont expliqué cette chose sur comment Tranquille était en train de s’effondrer et avait besoin d’un énorme investissement en capital. Ils n’ont pas utilisé ce mot. Mais ils ont besoin de beaucoup d’argent pour le réparer. Et ils n’allaient pas le faire et ils allaient le fermer. J’ai dit « Oh ouais, et quand est-ce que ça va arriver? » Ils ont dit « Eh bien, ça va arriver d’ici la fin de cette année. »
[00:01:54] Alors je suis retourné au bureau et j’ai appelé Cliff et appelé Jack. Je me suis assis avec lui et j’ai dit : « Tu ne vas pas le croire. Voilà ce qu’ils vont faire. »
[00:02:05] Et Jack dit : « Eh bien, tu dois aller à Kamloops. Monte dans l’avion tout de suite. » Et cette réunion était à 14 h, je serais probablement de retour au bureau à 16 h. J’ai sauté dans un avion à 18 h et je me suis envolé pour Kamloops.
[00:02:23] Je leur ai dit ce que j’avais appris et Dave McPherson est un excellent organisateur.
[00:02:29] Je veux dire que Dave McPherson était juste un, la crème de la crème des organisateurs.
[00:02:36] Alors il a dit : « Que dit Jack? » Parce que Jack Adams, vous savez, dans notre syndicat, Jack était un super tacticien et stratège. Il était brillant pour savoir où appuyer sur les bons boutons et si vous aviez fait la bonne chose, ou ce qu’ils allaient faire. Et il avait les contre-attaques. Vous savez, il avait toujours deux longueurs d’avance sur tout le monde, d’après mon expérience.
[00:02:55] Je, j’ai aimé travailler avec lui. Et il, il m’a dit : « Tu sais que tu ne peux pas aller à Kamloops et lâcher cette bombe à ces 600 travailleurs, puis prendre l’avion et quitter la ville. » « Oh OK. Eh bien, qu’allons-nous faire? » dit Gary Steeves. Vous savez. Quatre ans dans l’équipe du BCGEU. Il m’a dit : « Je pense qu’il faut que tu les fasses asseoir et qu’ils restent là. Personne ne retourne au travail. Vous faites que vous asseoir, juste là, restez assis. »
[00:03:30] Alors, je leur ai juste dit ce qui s’est passé. J’y suis juste allé coup par coup, ce qu’ils ont dit et ce qui était prévu.
[00:03:38] Et puis j’ai dit : « Avez-vous des questions? Avant d’aller plus loin, quelles questions avez-vous? Mettons-les sur la table. » Alors, les gens posent des questions comme, eh bien, est-ce que ça va être pour tout le monde? Mais la plus grande question que tout le monde s’est posée et s’est fait poser encore et encore et encore, c’était de savoir ce qui allait arriver à ces gens dont on s’occupait. Mais comme, ils étaient comme des enseignants, ils se souciaient plus des enfants que d’eux-mêmes. Vous savez, ils, ils ont juste dit que ce n’était pas juste. Alors j’ai dit : « Écoutez, j’ai une question » et ils, on a répondu à toutes les questions du mieux qu’on pouvait. J’ai dit : « J’ai une question pour vous. Qu’est-ce que vous voulez faire? Vous avez des choix. Vous pouvez ne rien faire. Ou vous pouvez riposter. Et si vous voulez riposter, j’ai des idées. »
[00:04:27] Ce gars s’est levé à la balustrade, complètement à l’arrière de la réunion. Il s’est levé et a dit : « On n’a pas de choix ici. Comme, ne me racontez pas ça. On sait qu’on n’a pas de choix ici. On ne va pas accepter ça. » Et il s’est assis.
[00:04:48] Et c’était comme…. Je ne sais pas. C’était comme si, c’était comme si tout était chorégraphié, vous savez. Pendant qu’il s’asseyait, tout le monde s’est levé et c’était, vous savez, des applaudissements et des acclamations massifs et ouais, on va faire quelque chose. Alors Dave et moi avons expliqué : « Eh bien, écoutez. On va le faire. Allons-y. Alors occupez la place, on se débarrasse des patrons. Eh bien d’abord, on va mettre les patrons dehors, on va envoyer un petit message à Bill Bennett que son monde a changé. » Donc ils ont adoré ça. Et puis une équipe de délégués syndicaux a commencé à tout programmer. Vous travailleriez un quart de travail, dormiriez pendant un quart de travail, et vous feriez, et vous rentreriez chez vous pour un quart de travail. Mais les travailleurs se sont occupés de tout. Il y avait des horaires dans chaque service en moins d’une heure, puis on a appelé les patrons et on leur a dit : « Vous ne serez pas autorisés à travailler demain ». On avait des sentinelles à chaque porte. Et même les gens livraient des choses, vous savez, des entreprises alimentaires ou qui que ce soit qui faisait des livraisons. Si vous n’aviez pas de carte syndicale, vous ne pouviez pas entrer sur la propriété, et très vite, toutes ces compagnies disaient : « Eh bien, nous avons passé des contrats jusqu’ici parce qu’ils sont syndicaux ».
[00:05:56] On s’est dit : « C’est génial. » Mais ça a très bien marché. L’autre chose que nous avons faite c’est qu’on a élu un conseil qui avait un ou deux représentants de chaque quart de travail dans chaque service et ce conseil, ce conseil d’occupation, a pris toutes les grandes décisions. Donc c’était bien.
[00:06:19] Alors tous les jours, nous laissions les gestionnaires arriver par l’arrière de la propriété, et Tranquille est une énorme propriété, et ils avaient de petites maisons. Autrefois, quand c’était un asile, on construisait de petites maisons pour les médecins, c’était dans les années 1950. Et ils, donc celles-ci, il reste deux ou trois universités et elles n’ont rien dedans. Pas de meubles et juste des petites maisons dénudées. Nous avons donc demandé à tous les gestionnaires de s’asseoir dans une même maison, de sorte qu’on les laisserait y aller et qu’ils ne pourraient aller nulle part ailleurs. Je prenais donc le relais le matin pour qu’ils signent un gros dossier de tout ce qu’ils devaient signer, puis les secrétaires l’envoyaient à Victoria. Oh, et ils étaient juste : « Oh, je ne sais pas à propos de ça. » J’ai répondu : « Vous allez signer ça ou ça va devenir beaucoup, ça va devenir bien pire par ici. » « ….OK. »
[00:07:13] Ça a duré jusqu’au 10 août. Le 10 août, c’était le rassemblement de l’Empire Stadium. Eh bien, ça s’est terminé pour un certain nombre de raisons. Une est que nous avons eu autant de relations publiques, pour être grossier à ce sujet, que nous avions tirées et vous savez, le maximum de propagande de riposte de relations publiques d’Operation Solidarity qu’on a pu. Les travailleurs commençaient à être fatigués. Vous savez, on ne peut pas faire ça pendant longtemps et les gens ont besoin de retourner à leur vie normale. Donc les travailleurs commençaient à être fatigués, et on pouvait le voir d’après le, le conseil d’occupation était, ils étaient fatigués. Et on avait une entente avec le gouvernement que si on le leur rendait, il n’y aurait pas de représailles et qu’il n’y aurait pas… Donc, le gouvernement était vraiment à genoux en train de mendier, pratiquement. Comme, vous savez, on ne peut pas ravoir, on peut revenir au cours normal des choses?
[00:08:15] Et nous avions une entente que le sort des projets de loi n° 3 et n° 2 allaient être allaient être réglé, vous savez, par la, par la négociation collective et les grèves qui allaient avoir lieu à l’automne. Vous savez, cette, cette liste de, vous savez, le BCGEU passe en premier et vous vous souvenez de tout cela. Alors la la file de syndicats s’est préparée à sortir pour forcer le gouvernement à abandonner son programme législatif. Nous n’allions pas faire, continuer l’occupation n’allait pas accélérer les choses, et ça semblait être le bon moment pour laisser les travailleurs se reposer. Avant que d’autres événements émotifs ne se produisent à l’automne lorsqu’on organise le vote de grève et que nous sortons et tout le reste. Et ça m’a semblé être le bon moment.